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samedi 16 janvier 2016

L'heure des fous - Nicolas Lebel

Vous n’aviez pas envie que les vacances se terminent ? Vous n’avez pas envie de vous prendre la tête,mais de lire un chouette polar à l’intrigue bien ficelée ? Vous êtes fan de personnages hauts en couleur ? Alors si vous ne connaissez pas encore Nicolas Lebel et son livre « L’heure des fous » c’est le moment de découvrir ce livre et la galerie de personnages qu’il nous a concocté.

En premier chef, Merhlicht. La voix rapeuse comme de la toile émeri, une gueule à faire peur, noyée dans un quasi-permanent smog bleuté aux vapeurs de gitane.
Son bras droit bodybuildé aurait pu choisir d’être architecte, tant son goût du carré, de la ligne droite d’où rien ne dépasse est très en harmonie avec le design d’aujourd’hui.
Pour compléter l’équipe, une rouquine qui ne s’en laisse pas compter. Il faut dire que pour trouver sa place auprès de ces deux énergumènes, il vaut mieux avoir un sacré caractère.
C’est cette équipe de choc que découvre notre quatrième larron, un flic stagiaire qui se demande ce qu’il fiche dans cette équipe. Mais il n’a pas tellement le temps de se poser la question, car un macchabée vient de leur tomber sur le paletot. Comme c’est un clodo, une enquête de routine devrait clore l’affaire rapidement, mais contre toute attente, l’histoire va déraper !


Si comme moi vous aimez les histoires écrites avec pas mal de verve, vous allez être servis. Il y a un éloge appuyé aux dialogues d’Audiart dans ce livre. Le vieux Merhlicht, probablement oublié par les théories de l’évolution est resté scotché aux années soixante et, tant dans ses méthodes d’investigation que dans son langage, il se frotte au monde et techniques moderne, portées par le reste de l’équipe et le jeune stagiaire.

Mais cela n'empêche absolument pas ce roman d'être moderne. Pas de nostalgie naphtalinée , ce n’est pas un remix des tontons flingueurs. C’est bien du monde d’aujourd’hui dont nous parle Nicolas Lebel et le ton léger du roman n’empêche pourtant pas quelques réflexions sur la place des laissés pour compte de notre société ou sur les techniques de manipulation des masses. Bref, c’est un livre à lire pour le plaisir et le divertissement, mais pas seulement.  Alors surtout, n'hésitez plus, filez le lire !

mardi 18 août 2015

Un pays plus vaste que la terre - Wiley Cash

En ces temps troublés où, lorsque nous parlons d’extrémisme religieux, nos regards se tournent irrémédiablement vers le Moyen-Orient, j’ai eu grand plaisir à lire le roman de Wiley Cash « Un pays plus vaste que la terre » publié aux éditions 10/18. Premier roman de l’auteur, ce livre décentre cette problématique en nous plongeant au cœur des Etats-Unis et nous montre une face bien sombre de l’Amérique, où fanatisme religieux, violence et alcool gangrènent sournoisement les villages les plus calmes en apparence. On est loin, très loin de « la petite maison dans la prairie », dans l’envers du décors, l’enfer du décors... plutôt !

Ce premier roman se déroule dans une petite bourgade du sud des Etats-Unis dans les années quatre-vingts. Dans cette petite ville qui semble si tranquille, les conditions de travail sont rudes et tournées pour l’essentiel autour de l’économie du tabac. La religion y tient une grande place dans la cohésion de la communauté. Une trop grande place depuis que le pasteur Chambliss, un homme au passé trouble y devient prédicateur. S’inspirant de l’Evangile selon Saint Marc, il a une vision bien particulière de la religion et ses méthodes de prédication sont violentes et peu orthodoxes. A tel point que, Mademoiselle Lyle a préféré soustraire de son influence les enfants, pour les cours de catéchisme qu’elle leur dispense quand les adultes sont à l’office.

Jusqu’à la mort de Stump, un jeune garçon muet, personne pourtant ne vient mettre son nez dans la façon dont il gère église. S’agit-il d’un meurtre ? Ou d’un accident ?

A l’occasion de cette enquête, le sherif découvrira que la mort de l’enfant n’est pas le seul sombre secret que cache cette communauté.

Nous allons découvrir, dans ce roman à trois voix qui s’entremêlent, les raisons sordides de ce décès. Très vite, on est hapés par l’histoire. La question de savoir qui est responsable de la mort du jeune garçon ne se pose très vite plus. C’est comprendre l’engrenage insidieux qui a conduit à cela qui apporte tout son intérêt à ce livre, et nous le découvrons par petites touches au travers des regards croisés des trois protagonistes qui tissent cette histoire. C’est de découvrir comment des gens censés, glissent progressivement individuellement et collectivement jusqu’au dérapage inéluctable qui font la force de ce roman.






lundi 17 août 2015

Aux Belges reconnaissants - Martine Nougué - Les Editions du Caïman

Voilà un bouquin que j'ai dévoré dans la soirée. L’écriture ciselée de l’auteure y est pour beaucoup, mais je dois dire aussi que l’intrigue m’a également embarquée.


Tout se passe dans un petit village rural, l'un de ces 31 500 villages de moins de 2 000 habitants, au sud de France, mais je tiens le pari qu’au nord, on y trouve les mêmes…

Ambiance campagne donc. Le coq, les balcons fleuris, le clocher du village et surtout le bar tabac du coin où s'échangent tous les cancans. Un de ces lieux un peu paumés où tout le monde à l’impression de faire partie de la même grande famille, enfin presque tous, car il y a les « étrangers », ceux venus d’un village voisin ou pire encore, de la ville d'à côté, voire, comble de l'horreur, de la capitale. Mais comme dans toute grande famille soudée,il y a quelques tensions et quelques « secrets de famille » bien enterrés, mais toujours prêts à refaire surface.

Alors, dans la famille « Castellac » (c’est le nom du bled) on demande…
– Le maire, notable indéboulonnable
– La mère, une pièce rapportée qui a préféré s’éloigner
– Le fils, un artiste dont les projets s’opposent à ceux du papa
– L’écolo révoltée, qui veut faire souffler un vent nouveau sur le pays.
Et bien sûr, les chasseurs, les mégères, les piliers du bar du village et les autres…

Le roman démarre lors des élections municipales. Le maire n’est pas un saint, mais les habitants préfèrent détourner les yeux. On ne fait pas d’ombre à la famille à laquelle on doit tout. Pourtant, un des projets qu’il porte semble faire plus de vagues, et rallie contre lui les quelques écolos du village qui ont osé monter une liste d’opposition.

Lorsqu’un meurtre se produit au village, au lendemain des élections, l’émoi est grand.

Celle qui se charge de mener l’enquête est une femme flic dynamique, Pénélope. Elle a du peps, c'est un personnage attachant, plein de vie. Son portrait est bien croqué et je gage qu’elle sera un personnage récurrent d’un prochain roman de Martine Nougué.  Si elle avait pu faire autrement, elle aurait volontiers laissé l’affaire à d’autres collègues du coin, mais ses supérieurs hiérarchiques ne lui ont guère laissé le choix.  Mais elle est noire, Pénélope, originaire du Sénégal, et dans ce petit village fermé sur lui-même, elle ne passe pas inaperçue. Elle enquête accompagnée d’un jeune stagiaire dont j'aurais aimé qu’il soit traité comme un personnage un peu moins secondaire de l’histoire. Il y a quelques passages où il prend toute sa place, mais ces moments sont rares et c’est bien dommage. Cela n’a cependant pas gâché mon plaisir de lecture.

Pour moi, la force de ce roman, c’est cette capacité de l’auteure à nous faire vivre de l’intérieur l’ambiance du village, ses ragots, ses tensions, les fissures dans les murs de vieilles pierres. Il semble si charmant ce village, vu de l'extérieur avec ses murs crépis à l’ancienne et ses volets colorés, mais je me garderai de vous en dévoiler l'intrigue. J'ai aussi aimé la verve de l'auteur et la vivacité des dialogues.

Je ne vous en dis pas plus... à vous désormais de soulever le rideau aux petits carreaux vichy. À vous, au fil des pages d’exhumer les secrets que renferme ce petit village…

mercredi 15 juillet 2015

Cannibal Tour - Anouk Langaney - aux éditions Albiana

J’ai trouvé Le polar de l’été. Le livre à emporter sur la plage. C’est Cannibal Tour d’Anouk Langaney. 


Je ne sais pas si c’est la proximité des îles sanguinaires qui ont été la source de son inspiration, mais ce livre, je te le promets, tu vas dévorer. Tu n’en feras qu’une bouchée !

– Il est peut-être cool ce bouquin, mais tu vois, moi, la plage, j’y vais pas.

– T’inquiète pas, c’est pas indispensable d’être affalé sur un transat avec le bruit des vagues en arrière plan. C’est un plus, c’est sûr, mais je te promets qu’il n’y en a pas besoin pour vivre pleinement cette histoire, pour éprouver un léger dépaysement et oublier Paris et les embouteillages.

– Et il a quoi de si génial, ce polar ?

– D’abord une intrigue aux petits oignons. L’auteure va te laisser mariner un sacré moment avant de te révéler le fin mot de l’histoire. D’ailleurs cette dernière est pimentée à souhait. Relevée juste ce qu’il faut.

– OK, OK, mais ça parle de quoi au juste ?

– Allez, parce que c’est toi, je te dévoile quelques bribes de l’intrigue. En guise de mise en bouche. Tu vas découvrir une petite île paradisiaque, celle pour laquelle tu te damnerais, juste à l’idée d’y passer tes prochaines vacances. Sauf qu’il s’y réveille une étrange coutume qui avait disparu depuis de nombreuses années : le cannibalisme. Les raisons de ce réveil soudain de ces mœurs ancestrales ? Elles ne te seront révélées que dans les dernières pages. Le coupable... Ben si je te raconte tout, ça serait quand même dommage !

–  Mouais, mais tu sais, moi, le cannibalisme, c’est pas ma tasse de thé, si je puis m’exprimer ainsi !


–  Ben moi, le thé, c’est pas trop ma tasse non plus et le cannibalisme, vu que j’ai des tendances végétariennes, je n’en suis pas très friande d’habitude. Mais ce roman qu’Anouk Langaney a concocté pour nous, c’est du quatre étoiles au guide Michelin. Elle nous sert une histoire pleine de verve et de bonne humeur. Les mots fusent, t’explosent en bouche. Parce que l’écriture, elle est là. Croustillante. On s’en délecte. L’histoire est légère, s’avale toute seule, elle ne plombe pas ta journée, ni ton estomac. Pourtant elle est riche aussi, en rebondissements surtout. Elle a du corps, une légère amertume en bouche qui apporte malgré le ton délibérément humoristique, de la densité au récit. Pour tout te dire, c’est un mets de roi. Tu le trouves aux éditions Albiana. Ça s’appelle Cannibal Tour et c’est un livre écrit par Anouk Langaney.

dimanche 3 mai 2015

Les âmes troubles - Olivier Taveau

Les âmes troubles, premier roman d’Olivier Taveau a été récompensé par le prix du premier roman du festival de Beaune. A juste titre...

L’histoire est d’abord et avant tout autre chose une histoire policière qui tourne autour des crimes commis par un Serial Killer et des moyens de plus en plus lourds que la brigade de police chargée d’enquêter sur cette sordide affaire met en œuvre pour l’identifier et l’arrêter. Comme attendu en pareil cas, l’histoire se décline dans le registre de la recherche d’indices et de la traque. Le lecteur au fil des pages est emmené d’un crime à l’autre et dresse, lui aussi, la liste des suspects potentiels.

L’écriture d’Olivier Taveau est fluide, efficace et très vite, j’ai été embarquée par le rythme soutenu de l’histoire qui ne nous ménage pas en terme de rebondissements. J’étais à peine à la moitié du livre quand je me suis demandée, mais forcément c’est la fin, comment l’auteur va-t-il nous entrainer sur presque cent pages de plus ? Il fallait lui faire confiance, l’histoire ne s’est pas essoufflée, et nous a amené de territoires carbonisés aux espaces sauvages les plus glacés du Québec.


Mais je crois que ce qui m’a le plus marquée dans cette histoire c’est qu’elle s’enrichit d’une autre, plus métaphysique qui vient s’entremêler à la première. Très vite on se demande qui sont Loah, Virgile ou Paltine ? Quels rôles vont-ils jouer dans cette histoire ? Leur présence nous trouble, et fait que ce roman oscille entre réalisme et surnaturel. J’ai parfois pensé au fil des pages au réalisme magique. Souvent derrière cette appellation on pense à Gabriel García Márquez, mais on pourrait aussi évoquer d'autres auteurs de Marcel Aymé à Franz Kafka. Bref dans un monde tout ce qu'il y a de plus réaliste, de plus cru, l'onirique et le surnaturel viennent apporter une autre dimension. Cela fonctionne à merveille, et ce parti pris apporte une belle densité au roman. Il permet à l’auteur sans qu'on quitte pour autant le registre du roman policier, d'ouvrir d'autres portes. Grace à ces personnages, loin d’être anecdotiques, se joue au cœur même de l’enquête, une autre histoire. Une quête de sens, une réflexion sur le divin, distinct très clairement dans ce roman des dogmes religieux. Par ce jeu de tissage entre ces deux niveaux du récit, l’auteur nous amène l'air de rien vers de réflexions plus larges sur le pouvoir et l’impuissance, même des plus grands, face à ce qui les dépasse. Impuissance d’un homme face à son destin, impuissance des forces de police, malgré leur nombre et leur détermination face à un tueur fou et insaisissable, impuissance de la science à comprendre les maladies mentales et jusqu’aux forces surnaturelles impuissantes à changer le cours du destin. Au travers de cette histoire, l’auteur évoque également la solitude et le devoir souvent trop lourd que la vie nous amène à porter.  

C'est d'abord et avant tout un roman policier qu'on dévore, mais c'est aussi un peu plus que cela.

mercredi 8 avril 2015

Sara La Noire - Gianni Pirozzi

Sara la noire – Gianni Pirozzi – Edition Rivage /Noir


Ce roman, ce sont des personnages qui se télescopent. Ça se passe à Paris et en Camargue aussi. Ça se passe en hiver et si les rues sont froides, l’ambiance, elle, monte rapidement en température pour devenir vite explosive.

C’est l’histoire de Guillermo, un flic, moitié gitan obsédé par une affaire non résolue de plus de sept ans. Celle de la disparition de deux jeunes gitanes, l’une retrouvée morte, l’autre toujours portée disparue. Il s’est solennellement engagé auprès de la famille à retrouver la trace de cette dernière et c’est une promesse qu’il ne prend pas à la légère. Mais Guillermo, c’est aussi un flic brutal qui trempe dans des trafics de drogue et de prostitution.
C’est aussi l’histoire de Djibril, encore mineur, qui vient de se tirer d’un centre éducatif renforcé. A la rue, il se débrouille comme il peut quand soudain, tout pourrait changer pour lui. Il pourrait toucher le jackpot quand il se retrouve embarqué dans un règlement de compte avec en ligne de mire la peau de Guillermo.

Lui, Guillermo, c’est Hafzia qu’il a dans la peau. Cette jeune femme s’est retrouvée entre ses mains lorsqu’elle a fui son mari trop violent. C’est son autre obsession, à Guillermo, cette femme. Est-ce pour ne pas risquer de la perdre qu’il l’a faite tomber dans la drogue et la prostitution ?

Ce qui est sûr c’est qu’il dépasse la ligne rouge, Guillermo. A force d’être écartelé entre deux mondes, tout va finir par basculer et ça ne va pas se faire sans casse...

Ce livre, c’est aussi une écriture. Sèche. Sans fioritures. Des phrases courtes, des dialogues vifs. Gianni Pirozzi nous emmène droit à l’essentiel. On ressent peu d’empathie pour les personnages, mais c’est parce que rien n’est fait pour nous y inviter. Quelques sauts en arrière, surtout en début de récit, viennent éclairer le lecteur. Personnellement j’ai peu apprécié ces « flash-back » que j’ai trouvé un peu juxtaposés au récit principal, néanmoins j’ai pris plaisir à suivre les protagonistes de ce drame jusqu’à la chute finale.


L’une des particularités de ce roman, c’est que l’auteur s’est inspiré d’une nouvelle de Marc Villard « Entrée du diable à Barbès-Ville » également édité chez Rivage en 2008. Cette nouvelle, il se l’est appropriée, il l’a retravaillée pour y mettre sa patte et en faire ce roman : Sara la Noire. Un livre de Gianni Pirozzi édité chez Rivage Noir.

lundi 23 mars 2015

Elena Piacentini - Des forêts et des âmes - Editions Au-delà du Raisonnable

–  Dites, Docteur ! J’ai un petit coup de mou, là. Je manque d’entrain, je me sens lasse. Vous n’auriez pas un petit remontant à me proposer ?

–  Je crois avoir ce qu’il vous faut. Une cure de lecture, et pas n’importe quoi. Un roman d’Elena Piacentini. 385 pages. « Des forêts et des âmes », aux éditions Au-delà du raisonnable.

–  Vous croyez, Docteur ? C’est efficace ?

–  Et comment ! Ra-di-cal. C’est l’histoire d’un flic corse, échoué à Lille et qui va devoir se rendre dans les Vosges pour enquêter sur une tentative de meurtre sur l’un de ses agents. La pauvre, une fée de l’informatique, est toujours dans le coma. Moi, je peux vous assurer qu’une histoire pareille, avec le bon air de la montagne, ça va vous oxygéner la tête. Et ce n’est pas tout. Vous allez être happée par cette histoire pour comprendre dans quelle sombre machination cette pauvre petite a été fourrer son nez au point qu’on veuille l’éliminer. Je peux vous assurer que ça va réveiller votre vitalité. Vous allez retrouver du tonus !
Et puis les personnages, même secondaires sont bien campés. La grand-mère Corse, tout particulièrement, saura vous réconforter. Vous pouvez me croire, ça va vous ensoleiller le cœur !

– Et vous pensez que ça va faire effet rapidement ?

–  Aucun doute ! L’écriture de l’auteure est belle, riche et poétique. Ses descriptions de la nature qui émaillent le récit sont autant de tableaux qu’elle peint avec sa plume. Quelques chapitres très courts trois fois par jour, ou un peu plus si vous en ressentez le besoin, et l’effet sera là. Un vrai coup de fouet.

–  Un coup de fouet, d'accord, mais est-ce que les effets sont durables ?

–  Bien sûr ! Elena Piacentini ne fait pas que nous divertir. Elle nous offre en arrière-plan de ce récit un véritable travail de fond sur l’industrie pharmaceutique. Elle nous invite à nous questionner, à être vigilants.

–  Mais dites-moi, Docteur. Un remède miracle comme celui que vous me proposez a-t-il des effets secondaires ?

–  Ma foi, il semble qu’il y ait quelques effets mineurs, rien de bien méchant. Quelques patients ont eu le désir de lire d’autres livres d'Elena Piacentini. Et si cela devait vous arriver, je vous rassure tout de suite, ce roman, c'est la sixième enquêtes du commissaire Leoni et il n’y a aucune contre-indication à prolonger la cure...

samedi 14 mars 2015

Grossir le ciel - Franck Bouysse

Ce livre, c’est...

Ce sont toutes ces histoires tues, cachées au coeur de ces petits villages de nos campagnes. Ces secrets connus de tout le monde, sauf peut-être des principaux intéressés.

 Ce sont des gens ordinaires, des hommes de peu dont l’auteur nous dresse un portrait âpre et pourtant attachant.

Ce livre, c’est la neige, le silence, la solitude, la rudesse d’un pays qui marque de son empreinte les hommes qui y habitent.

Ce livre c’est celui d’un monde rural, qui s’éteint en silence, dans l’indifférence générale alors que ces hommes de la terre semblaient, jusqu’à il y a peu encore, être en mesure de défier l’éternité. Ces paysans qui répétaient génération après génération, ces gestes séculaires pour tirer de la terre le peu qu’elle voulait bien leur donner.

Mais ce livre, c’est avant tout cela une écriture. 

Impossible de citer les passages qui m’ont touchée, il me faudrait réécrire le livre. Franck Bouysse est capable de mettre de la poésie dans ces petits rien du quotidien rural. Ce veau qu’on emmène à téter, au bout d’une longe, ce piquet de clôture qu’on enfonce dans le sol gelé. Il transcende les actes prosaïques, voire triviaux par son écriture.

Rares sont les artistes qui savent montrer la poésie de ce monde rural sans tomber dans des clichés éculés. Jusqu’à présent, il n’y avait pour moi que Raymond Depardon qui, au travers de son objectif ou de sa trilogie « Profil paysan », avait su capter l’âme paysanne sans l’édulcorer ou la trahir en laissant toute sa place au silence. Il y a désormais Franck Bouysse. Avec sa plume, il nous amène à la rencontrer.

Ce livre, c’est « Grossir le ciel » de Franck Bouysse, un livre dont le jury du prix Calibre 47 vient de reconnaître toute la force et la singularité. Ne passez pas à côté !


mardi 3 février 2015

Après la guerre - Hervé Le Corre

Il est rare que je peine à lire un livre, que j’ai l’impression d’avoir dans les mains un pavé que je vais avoir du mal à terminer. Pourquoi en faire une chronique alors ? Je vous vois déjà près à reposer le livre sur le rayonnage de la librairie ou de la bibliothèque en vous disant 
-- à quoi bon, si c’est comme ça, c’est pas pour moi » .
-- Pas si vite ! parce que malgré cette peine, je peux vous assurer que ce livre mérite amplement qu’on fasse cet effort.

Pour l’histoire, d’abord. L’intrigue du roman bien sûr, mais aussi l’Histoire avec un grand H. Celle qu’on omet trop souvent dans nos livres d’histoire, celle des relents nauséabonds de l’après-guerre, des collabos qui ont su tirer leur épingle du jeu pour mieux tirer les ficelles d’un microcosme bordelais (mais qu’on imagine aisément le même dans bien d’autres villes de France) après « la deuxième guerre mondiale ». Celle d’Algérie, aussi, cette guerre dont on ose pas parler, car nous n’y avons pas tenu le beau rôle.

Pour les personnages ensuite, et surtout. Parce qu’ils sont riches et complexes. Tous sont dépeints en ombres et lumières, enfin presque tous, car pour l’inspecteur Darlac, pas facile de trouver même une infime lueur.

Ce livre, si c’est un peu l’histoire de vengeance, c’est d’abord et surtout l’histoire d’une guerre qui ne dit pas son nom, une guerre larvée alors même qu’elle est censée être finie, tandis que s’en imbrique une autre qui commence à peine. Une qu’on ne voit pas. Car elle se passe là-bas. En Algérie.

C’est un livre écrit au présent alors même que l’histoire qui nous est narrée nous emmène près d’un demi-siècle en arrière. Peut-être parce qu’aujourd’hui encore, même si on ne les voit plus vraiment, les cicatrices de ces deux guerres sont encore là. Peut-être aujourd’hui encore, sommes-nous « Après la guerre ».


Alors pourquoi malgré toutes ses qualités, ai-je tant peiné à lire ce livre ? Peut-être du fait du poids de cette histoire, la nôtre, ce poids dont on aimerait se décharger, se dire « pas concernés ». Peut-être aussi parce que l’écriture, si elle est belle et qu’elle mêle adroitement langage argotique et langage soutenu, m’a parfois semblé trop précise, trop descriptive. Là où j’aurai aimé parfois une toile plus impressionniste, davantage centrée sur l’émotion, l’auteur a choisi quant à lui le registre du réalisme. Rigoureux dans ses descriptions, très attentif aux détails, ajoutant souvent nombre d’adjectifs qualificatifs pour renforcer l’image qu’il souhaite nous transmettre. Cela contribue certainement à renforcer encore le poids de toute cette noirceur, mais, personnellement, cela m’a parfois éloignée du récit.  

dimanche 11 janvier 2015

Le Cramé - Jacques Olivier Bosco



Une chronique radiophonique de l'émission "Des poches sous les yeux" que vous pouvez retrouver parmi tant d'autres ici.

Vous avez envie de lire un livre comme on va voir un film, un film d’action ? Vous avez besoin de vous divertir ? De vous laisser embarquer dans les péripéties d’une histoire pleine de rebondissements ?

Vous aimez les enquêtes policières émaillées de détails assez glauques ? Entendre le craquement des cartilages au moment d’une baston ou la description sordide d’une scène où un taré larde sa victime d’une multitude de coups de couteau avec une fureur rare.

Vous restez nostalgique de ces feuilletons télévisés, comme Zorro ? Ceux dans lesquels le bandit des grands chemin est également un homme au grand cœur qui défendra, au péril de sa vie, la veuve ou l’orphelin.

Au final, vous vous en fichez un peu de la crédibilité d’une action pourvu qu’elle soit haletante. Vous jubilez, quand même criblé de balles, le héros parvient à s’en sortir.

Alors je vous invite à lire « le Cramé, de Jacques Olivier Bosco ».

Vous ferez au fil des pages, connaissance avec Gosta, dit « le Cramé ». Un type recherché par la police suite aux nombreux casses qu’il a réussi avec sa bande. Sauf le dernier. Il s’est terminé dans un bain de sang à cause d’une balance qui les a vendus aux flics. Et là, alors que nous n’en sommes qu’aux premières pages de l’histoire, il semble vraiment mal barré, le Cramé. On se demande comment il va pouvoir se sortir du commissariat où il est menotté et sacrément bien entouré, pour se retrouver ailleurs que derrière les barreaux d’une cellule forcément trop étroite pour lui et dans laquelle il risque de mariner durant de nombreuses années.

Mais cette histoire ne sera pas uniquement celle d’une vengeance. Elle sera aussi celle d’un gosse. Introuvable. Un gosse enlevé. Le Cramé s’est engagé auprès de la mère à tout faire pour le retrouver. Et lorsqu’il fait une promesse, il ne la prend pas à la légère.

Il y a de la vie, du nerf dans cette écriture, même si parfois le vocabulaire argotique est davantage celui des années 80 que celui d’aujourd’hui. Vous ne lirez pas l’histoire, vous la vivrez. Le cœur à cent à l’heure. Finalement, les détails rocambolesques, peu crédibles parfois, ou cet argot pas toujours actualisé ne viendront pas perturber plus que ça ce récit. C’est même peut-être ce qui fait le charme de ce livre. Cet écho avec les films policiers des années 70-80.

vendredi 2 janvier 2015

Une terre d'ombre - Ron Rash / Nos disparus - Tim Gautreaux






Une chronique pour deux livres qui se font écho, 





















Est-ce un hasard qui m’a fait ouvrir ces deux livres l’un juste après l’autre ? Toujours est-il qu’il y a entre ces deux œuvres des points de résonance et je ne les aurais peut-être pas perçus si je ne les avais pas lus consécutivement.
Bien sûr, il y a le contexte historique que ces deux auteurs américains ont choisi comme cadre de leur récit. L’année 1918 y est charnière et la première guerre mondiale s’y intègre en filigrane.
Mais il y a aussi l’importance qu’ont dans ces récits les bateaux de croisière. Dans l’un des romans, s’il est luxueux, il n’est qu’évoqué, tandis que dans l’autre, décrépi, il n’est plus que l’illusion de sa splendeur d’antan ce qui ne l’empêche pas d’être omniprésent tout au long de l’histoire.
Sans concessions, les deux auteurs décrivent des aspects peu reluisants de cette Amérique rurale, obtuse, violente, lourde de ses préjugés et noyée dans l’alcool de contrebande.
La musique est un autre des points communs à ces deux récits. Dans l’un comme dans l’autre, un des principaux protagonistes de l’histoire est musicien. Pianiste pour l’un, flutiste pour l’autre.

Pourtant, et c’est là la force de ces deux romans, c’est que malgré tant de points communs, ils nous emmènent pourtant dans des directions radicalement différentes. 

Tim Gautreaux, nous invite à suivre un long périple sur le Mississippi pour tenter de retrouver la trace d’une enfant kidnappée. De méandres en méandres, nous avançons lentement dans ce roman fleuve, au rythme de la roue à aubes du bateau à vapeur. Ce vieux raffiot avance cahin-caha et résonne des notes de jazz d’une troupe de musiciens dans une ambiance festive mais prête à déraper à tout moment sous l’emprise des alcools prohibés. Cette longue quête n'est pas seulement celle de l'enfant kidnappée mais aussi celle d'un homme aux multiples questionnements sur la paternité, le lien familial, la vengeance.

Ron Rash, quant à lui, nous invite à un opéra tragique au son d’une flûte enchantée. Il nous entraîne dans un vallon sombre et enclavé, où l’espoir en un avenir meilleur, comme les rayons du soleil, peinent à pénétrer. Sous sa plume trempée à l’encre noire on va découvrir la vie d’une famille qui doit affronter en plus du climat rude, le joug des préjugés et des superstitions des habitants du village. Heureusement, les notes d’une flûte d’argent et les plumes vertes des perroquets de Caroline, une espèce aujourd’hui disparue, viennent apporter quelques éclats chatoyants à ce récit, mais ce ne sont que des éclairs fugaces qui ne font que renforcer la noirceur de l’histoire.

Les deux livres sont bien écrits et ont été traduits avec talent. « Nos disparus » m’a cependant semblé parfois trop long, surtout dans la première partie du livre, même si progressivement le récit prend de l’ampleur, et finit par nous embarquer. Quand l’auteur nous parle de la musique, il nous offre quelques phrases magnifiques. J’ai cependant eu du mal à m’attacher aux personnages de ce roman.

J’ai nettement préféré « Une terre d’ombre » de Ron Rash, un livre plus court, à l’écriture plus condensée et plus âpre. Comme la terre sourd dans ce vallon d'une humidité malsaine, l'écriture de Ron Rash nous met sous tension dès les premières lignes. J’ai aimé comment la première guerre mondiale, conflit pourtant lointain, y interfère violemment avec la vie des gens du village et la belle densité des personnages principaux, mais aussi secondaires dans ce récit.
Ces deux romans sont édités aux éditions du Seuil.

dimanche 16 novembre 2014

Olivier Bordaçarre - Dernier Désir


On entre dans ce livre en douceur. On s’immisce dans la petite vie tranquille de Mina et Jonathan qui ont fui la ville et les sirènes de la consommation pour un retour au source plus respectueux de l’environnement. Ils se contentent de peu et vivent heureux dans un village quasi-déserté du Berry. Il fait beau, chaud et le temps s’écoule avec nonchalence. Tout semble parfait. Il l’aime, elle l’aime et ils aiment leur fils. Ils s’occupent de produire du miel, des légumes qu’ils mettent en conserve en prévision de l’hiver.

L’arrivée d’un voisin pourrait être la dernière touche pour parfaire cette vie simple, en atténuant la sensation d’isolement qu’ils peuvent parfois ressentir malgré tout. C’est donc avec plaisir qu’ils accueillent Vladimir lorsque ce dernier frappe à leur porte pour les informer de son emménagement dans une maison isolée, un peu plus bas sur le canal. Il sera leur plus proche voisin.

Mais, dans la même veine que le film « Harry, un ami qui vous veut du bien » Vladimir, par son excès de prodigalité instille progressivement le malaise dans ce couple où pourtant tout semblait si bien fonctionner. D’abord diffus, il nous saisit comme il saisit Jonathan, et au fil des pages, il devient de plus en plus pesant. Le personnage de Vladimir n’est pas sans rappeler le légendaire Dracula et l’auteur joue avec ce mythe et s’en inspire. Mais ici, ce démon tentateur n’a pas besoin, pour se nourrir, du sang de ses victimes et sa séduction ne joue pas que sur son seul aura sexuel. Il tire des ficelles bien plus machiavélique pour conquérir le cœur de ses victimes. Ce sont d’autres aspirations, d’autres désirs qui alimentent son pouvoir.

Tandis que Vladimir s’impose progressivement dans la vie du couple, le trouble s’instaure et la fêlure se transforme progressivement en un gouffre vertigineux. L’équilibre de chacun vacille et le lecteur voit impuissant les protagonistes s’approcher de l’abîme.

J’ai aimé l’écriture de Bordaçarre qui narre avec une rare finesse le quotidien et la psychologie de ses personnages. Il se dégage de ce livre une atmosphère dense et malgré la touffeur de l’air, on se surprend à frissonner. La chute finale vient parfaire ce livre pour faire de cette histoire un roman parfaitement abouti.


samedi 8 novembre 2014

La comptine des coupables - Carin Gerhardsen - Editions 10/18

Une chronique que vous pouvez écouter sur le site de l'émission 

Si vous êtes fan absolu des polars à la suédoise, alors ce livre-ci va sûrement vous plaire et il viendra compléter votre collection. Mais peut-être parce que je préfère le soleil, en tout cas, moi, je n’ai pas été franchement emballée par ce bouquin. L’intrigue en elle-même est bien ficelée. Cela dit, c’est je crois le minimum pour un polar dès lors qu’il s’agit de retrouver un coupable. Pour ceux pour qui pensent qu’un bon polar c’est avant tout la qualité d’une intrigue alors ce livre devrait satisfaire leur souhait en rebondissements inattendus. Pour ceux qui attendent davantage d’un roman, notamment quant à ses qualités littéraires, alors c’est pas gagné.

Tout commence par la découverte d’une femme et de ses deux enfants égorgés dans le lit de leur mère. Aucun indice, mais une multitude de questions qui émergent. Comment cette femme de ménage peut-elle habiter une maison si luxueuse ? Pourquoi le père des enfants semble-t-il si peu touché par ce drame ?Une équipe de policiers se charge de résoudre cette enquête qui va les emmener dans des méandres complexes.

Ce qui apporte un plus à ce livre c’est qu’il ne traite pas que de l’enquête mais également du poids de la culpabilité que chacun peut être amené à porter et du poids des secrets. Ceux qui entourent cette affaire, mais également ceux de plusieurs des policiers chargés de l’enquête. Cependant, j’ai trouvé maladroit que ces policiers, en plus de leurs recherches sur ce meurtre mènent parallèlement des enquêtes personnelles qui interfèrent plus ou moins avec le récit principal. J’ai eu l’impression que les flics étaient davantage préoccupés par leurs problèmes personnels que par l’horreur de ce triple meurtre et leur rapport à la loi m’a parfois semblé bien ambigue. Ainsi, le fait qu’une femme policier qui a été violée après avoir été droguée ne porte pas plainte contre l’un de ceux qu’elle pense être coupable de ce viol, alors qu’elle est pourtant persuadée qu’il s’agit d’un de ses équipiers m’a dérangée à la lecture de ce livre.

Concernant l’écriture elle-même, c’est de l’écriture à minima. Une succession de faits alignés en narration extérieure à coup de phrases lapidaires, quelques dialogues. De la narration extérieure encore pour nous rendre compte des pensées intérieures des différents personnages ce qui, je crois, limite l’empathie qu’on pourrait ressentir pour eux. Pas de poésie, de rythme, de mélodie dans les phrases. Des paragraphes qui passent d’un personnage à un autre de façon abrupte. Une écriture essentiellement au présent mais qui ne suffit pas à donner de la vie au récit. Ce qui est sûr c’est que ce n’est pas pour le style que vous serez marqué par ce livre.


Il semble que ce livre fasse suite à deux autres et qu’on suive d’un tome à l’autre les histoires qui lient cette équipe de policiers. Possible que cela nous permette de nous attacher davantage aux personnages et que cela donne au roman une autre densité. N’ayant pas lu les précédents, je ne peux en juger. Je vous laisse le soin de faire votre propre opinion.

samedi 1 novembre 2014

La Faux Soyeuse - Eric Maravelias

La Faux Soyeuse d’Eric Maravélias
Série Noire 
Gallimard


Que dire de La Faux Soyeuse qui n’ai déjà été mentionné par d’autres critiques ? Pas si facile... Mais j’ai eu la chance de pouvoir lire cette œuvre dans sa version initiale, avant que le manuscrit ne soit accepté par Gallimard. Je dois vous avouer que ce jour-là, je me suis prise une bonne baffe. Mon ressenti, à cette époque, était que je venais de tomber sur un diamant brut et qu’il ne manquait plus qu’un orfèvre pour en faire briller toutes les facettes et surtout un écrin pour permettre à ce joyaux de montrer tout son éclat.

Lorsque l’auteur m’a informée que La Faux Soyeuse paraîtrait à la Série Noire, j’étais ravie. Quand il m’a dit quelques mois plus tard que le livre avait été épuré de près de deux cents pages... là j’ai eu peur ! Je m’inquiétais de savoir quels passages avaient été sacrifiés ou remodelés. 

Qu’allait-il rester de cette œuvre dense qui m’avait bouleversée ? Allais-je retrouver dans cette œuvre retravaillée ce qui faisait la force de l’œuvre initiale ?

J’ai donc mis un peu de temps avant d’oser remettre le nez dans ce livre...

Je dois dire, après l’avoir refermé, que j’ai été agréablement surprise. Le travail conjoint de l’auteur et de l’éditeur a permis de ciseler cette œuvre. Le livre a gagné en structuration et cette version condensée en a encore renforcé la noirceur. Mon seul regret est la perte de quelques passages plus sociologiques ou philosophiques qui émaillaient ce récit initial. Tous n’ont pas disparus, mais j’aimais ces passages qui témoignaient d’une grande lucidité et des capacités d’analyse de l’auteur et qui étaient liés au fait que le livre avait été écrit sur plusieurs années. Mais j’ai retrouvé avec plaisir l’écriture acérée, les dialogues vifs, l’humour noir et la poésie qui se dégagent de cette œuvre et qui font de ce livre bien plus qu’un témoignage sur la drogue et ceux qui auraient plongé, les morts et les survivants.

Ce qui, pour moi, fait la force de ce livre, c’est qu’il réussit tout à la fois à être accessible à tous sans pour autant se contenter d’une écriture facile. S’il convaincra sans peine les amateurs de livres noirs, ou ceux qui connaîtraient de près ou de loin le monde de la rue ou celui de la drogue. Il peut s’adresser à un public plus vaste. Je suis persuadée qu’il peut toucher des personnes qui ne sont pas de grands lecteurs parce qu’il parle sans fard de la vie d’aujourd’hui, celle qui les touche, celle qu’ils vivent. Mais, parce qu’il ne s’agit pas uniquement d’une intrigue bien tournée ou d’un parcours de vie, parce qu’il y a une écriture et parce que l’auteur de la Faux Soyeuse nous entrouvre la porte des méandres psychologiques du principal protagoniste de cette histoire, ce livre est susceptible de toucher tout autant un public exigeant quant aux qualités littéraires d’un texte.

Ce livre a fait partie des douze nominés au prix de Flore 2014. Au vu de l'immense production littéraire actuelle, il n'est malheureusement pas certain que cela suffise à lui permette de se faire connaître en dehors des seuls amateurs de la littérature de genre. Mais cela démontre que le roman noir n’est pas une « sous-littérature » populaire mais qu’on y trouve des œuvres riches, avec une écriture exigeante et affirmée.

Petit cadeau bonus : Une vidéo co-produite avec l'auteur pour vous mettre dans l'ambiance du livre 

vendredi 31 octobre 2014

Yerruldelgger - Ian Manook



Enfin en livre de poche, donc chroniqué sur Radio Béton dans le cadre de l'émission "Des poches sous les yeux"

Comme l’auteur, Ian Manook l’avoue lui-même dans un petit interview que vous trouverez en cliquant ici, pas facile de demander à son libraire ce livre au titre un peu alambiqué, mais il nous propose une petite technique ludique pour y parvenir.

Le livre... A vrai dire, quand on regarde la couverture, la silhouette de cow-boy en premier plan ne nous laisse guère deviner qu’on va s’expatrier le temps d’un roman, au bout du monde, du côté de la Mongolie. C’est pourtant là que Ian Manook va nous entraîner en un immense périple pleine de rebondissements. Mais qui est Yeruldelgger ?

Yeruldelgger est un flic encombrant, que rien ne peut dévier des buts qu’il s’est fixé. C’est un flic maudit, déchiré par la perte d’une de ses filles, la haine de l’autre et la folie de sa femme. Il ne lui reste plus que la colère, moteur de toute son énergie pour résoudre les crimes sordides d’Oulan-Bator.

Ceux auxquels il va devoir faire face sont particulièrement atroces. C’est celui d’une petite fille de cinq ans, enterrée vivante avec son tricycle au beau milieu d’une plaine mongole. S’il n’en avait tenu qu’à lui, il aurait néanmoins préféré s’occuper plutôt de résoudre l’affaire des trois chinois et des deux femmes mongoles assassinées dans des circonstances très glauques. Mais le vieux nomade qui avec sa famille a découvert le cadavre de l’enfant, lui confie l’âme de cette dernière. Il ne pourra être en paix que lorsqu’il aura résolu cette affaire et fait enterrer dignement l’enfant. Comme Yeruldelgger n’envisage pourtant pas de laisser cette seconde affaire aux mains d’un collègue qu’il juge comme incapable, il mènera les deux de front...

Yeruldelgger sillonne la Mongolie, à la recherche de preuves, d’indices et nous embarque avec lui dans une histoire mouvementée. Comme dans la steppe, les pistes mongoles se croisent et s’entremêlent. Ces assassinats abominables, contre toute attente, seront étroitement liés à celui de l’enfant. Toute la force du livre est de nous faire vivre au travers de cette enquête, la Mongolie, ses paysages immenses et rudes, mais aussi ses tensions, ses contradictions entre tradition et modernité, son histoire, ses déchirements, que l’on ignore, ici, en occident. A lire ce livre on imagine le goût du thé au beurre salé, celui des gâteaux aigres au lait séché. On a la sensation d’entrer dans l’intimité des yourtes et de ceux qui y vivent, non pas comme des voleurs, des touristes, le temps d’un cliché exotique, mais le temps d’un échange souvent intense entre Yeruldelgger et d’autres personnages qui émaillent ce roman. C’est là, pour moi, la seconde force de ce livre. La qualité des personnages secondaires ou même de ceux juste croisés le temps de quelques pages par ce flic. On se surprend à aimer tous ces protagonistes sans qui Yeruldelgger ne serait rien, ne parviendrait à rien. Ils donnent le sel, sans laquelle la saveur de ce récit aurait pu être fade.

L’intrigue est riche en événements comme autant de trous de marmottes et d’ornières sur les pistes mongoles. L’écriture est fluide, les mots glissent comme l’eau d’une rivière qui nous emporte au fil des pages. Parfois poétique, parfois pleine d’humour, l’écriture de Ian Manook nous laisser deviner à quel point il a aimé ce pays qu’il nous invite à découvrir sous sa plume. C’est une lecture idéale pour se détendre et se divertir durant ses vacances. Une invitation au voyage.  

lundi 13 octobre 2014

Jacques Olivier BOSCO - Quand les anges tombent

Quand les anges tombent – Jacques Olivier Bosco
Aux Editions Jigal

Aucune envie de vous parler de l’intrigue, sauf vous dire qu’elle est bien ficelée. Après tout, j’espère qu’à la lecture de cette chronique, vous irez l’acheter vite-fait et que vous aussi vous tomberez dans les filets ou les méandres de cette histoire pleine de rebondissements et de suspens.
Ce qui est sûr c’est que les 48 heures durant lesquelles se déroule cette histoire vont défiler à vive allure.

Chacun des personnages de ce livre va devoir faire face à un passé qu’il aurait préféré oublier. Mais qu’ils le veuillent ou non, répondre de leurs actes est une question de vie, ou de mort. De conscience aussi. Une conscience pesante, qui va les tarauder, tous... ou presque.
J’ai aimé l’écriture vive, imagée simple mais efficace et surtout, qui parle vrai. Je me suis laissée embarquer dans le rythme tambour battant que donne l’auteur à cette histoire pleine de rebondissements. J’ai éprouvé de l’empathie pour les protagonistes de ce roman.
Comme dans Loupo, les gangsters de cette histoire, bien qu’ils ne soient pas des enfants de choeur, loin de là, portent en eux quelques belles valeurs. De justice – mais pas forcément celle du code civil, hein ! – d’engagement, de courage. Ils sont comme les robins des bois des temps modernes.

Ce roman n’est pas construit autour d’un personnage, mais d’une communauté d’acteurs, unis malgré eux dans une sombre aventure. Si personnellement j’aurais préféré une histoire plus noire encore, une fin au couteau, j’avoue que finalement, le « happy end » de ce roman, fait aussi du bien et qu’après tout, dans un monde où tout va mal, une histoire qui finalement se termine bien, ça met presque du baume au cœur.

Ce qui me plaît au final, dans ce roman que j’ai lu d’une seule traite le temps d’un trajet en train, c’est l’écriture très cinématographique. C’est dans un film que j’ai eu l’impression de plonger. Un film d’action qui ne nous laisse pas le temps de nous ennuyer.
C’est aussi et surtout que derrière cette histoire, en filigrane, on trouve aussi celle de l’amour filial. Celui dont on voudrait qu’il s’exprime naturellement, ce qui est loin d’être une évidence. Ces actes décalés de nos intentions véritables, ces gestes manqués vis à vis de ceux qui nous sont les plus chers. Là se dessine, dans le récit, une ligne de faille qui vient apporter de la profondeur à une histoire qui sinon ne serait peut-être qu’un simple roman d’action, et qui lui donne une autre densité.



Ce roman, c’est une belle réussite. Un roman à offrir, ou à s’offrir...  

lundi 22 septembre 2014

Donnybrook - Franck Bill

Donnybrook de Franck Bill à la Série Noire de Gallimard

Vous ne pouvez plus décoller de la série américaine "Breaking Bad"... Vous attendez en trépignant d'impatience la prochaine redif d'un combat de Kick Boxing ou de Muay Thaï. Les courses de bagnoles kittées c'est votre gros trip. Les gueules cassés, les chiens galeux qui se prennent raclées sur raclées, ça vous fait kiffer ?


Alors Donnybrook est votre livre de chevet.


C'est le livre que vous attendiez sans le savoir. Le livre qui va vous arracher les yeux de la tête. Du carnage presque à chaque page. Des poings qui volent, des tronches éclatées, des nez écrasés, le tout cuisiné dans des taudis sur camping gaz de fortune avec fond de meth au bord de l'explosion et Dark Métal Hurlant en fusion.


Autant le dire tout de suite, vous n'allez pas ressentir une immense empathie pour les personnages. Il y a peu de risques de vous voir essuyer discrètement une larme malgré les morts, nombreux, qui émaillent le récit.  


Dans ce livre, c'est l'action qui vous embarque tambour battant. C'est trépidant, c'est haletant. C'est un western moderne, concocté avec les ingrédients d'aujourd'hui. Plus de chevaux, des pick up déglingués. Des hors-la-loi qui rappliquent de partout. On ne se bat plus pour dévaliser une banque  mais pour un sac plein à craquer de sachets de méthamphétamine. Et là-bas, dans les forêts de l'Indiana se déroule au Donnybrook un tournoi de combats clandestins où s'affrontent les plus fêlés d'entre-eux. C'est l'unique chance  de gagner suffisamment de thune pour peut-être sortir enfin de la misère dans cette Amérique rurale où il n'y a plus grand chose à espérer. Mais au Donnybrook, il n'y a qu'un vainqueur...


J'oubliais... Tous les ingrédients sont là pour que Franck Bill nous concocte la suite, et je l'attends avec une grande impatience !

dimanche 7 septembre 2014

Aucune bête aussi féroce d'Edward Bunker aux éditions Rivages/Noir

Aucune bête aussi féroce – E. Bunker – Rivages/noir

Prochainement diffusée dans le cadre des chroniques littéraires de Radio Béton : Des poches sous les yeux

Impossible de parler de ce livre, sans auparavant dire quelques mots de son auteur. Né en 1933 et mort en 2005, Edward Bunker a durant la première partie de sa vie davantage connu la prison que la liberté. Entre les maisons de redressement qui auront émaillé son enfance et les multiples séjours derrière les barreaux aux États-Unis. Il y aura passé dix-huit années de sa vie. C'est en prison qu'il se passionne pour la littérature et qu'il devient écrivain. La plupart de ses livres ont été adaptés au cinéma et Edward Bunker à également joué le rôle M. Blue dans Reservoir Dogs, de Quentin Tarantino. « Aucune bête aussi féroce » est préfacé par James Ellroy qui, comme beaucoup d’autres auteurs de romans noirs, lui voue une grande admiration. C’est en prison qu’il écrira ce roman noir qui sera publié en 1973. C'est le premier de quatre livres très inspirés de son histoire personnelle.

Dans ce premier livre, il relate son désir de s'inscrire dans une vie enfin normale, mais il est assailli de lourdes interrogations à quelques heures de sa libération conditionnelle.
« Si je voulais quelque chose de différent, il me faudrait moi-même, forcément, être différent. Est-ce que c’était possible ? »

«Avant même que j’ai le nez dehors, je me retrouve en porte-à-faux entre une amitié à respecter et la loi à enfreindre. Que je sois le plus dégueu des enfoirés si c’est pas une vraie galère, de promettre que je vais commettre un délit avant même d’être sorti. »

Enfin libéré, nous suivons Max Dembo dans sa tentative de réinsertion et les difficiles relations avec son responsable de conditionnelle.

Je lui rendis son sourire avec candeur, une candeur que je n’éprouvais pas : impossible d’oublier que nos rapports étaient essentiellement ceux d’un couteau dont la lame se pressait contre une gorge.

Il faut que vous compreniez que je ne suis pas comme vous. J’ai un trop lourd passé derrière moi, tous ces jours qui m’ont gauchi, qui m’ont totalement emmêlé l’esprit, pour être comme vous. Ce qui ne signifie pas que mon seul et unique destin soit d’être une menace pour la société. Si j’avais la conviction que mon avenir allait inévitablement ressembler à mon passé, je me suiciderais. Je suis fatigué. Je peux accepter de me plier suffisamment pour rester dans les limites de la loi, mais je ne serai jamais le mec qui rentre le soir chez lui, dans sa maison de la vallée de San Fernando, pour retrouver sa femme et ses gosses.

Si ce livre est semi-autobiographique, il s’y dessine aussi une fresque sociale. Celle des bas-fonds de Los Angeles. Les personnages qui entourent Max Dembo sont tous englués dans leurs problèmes – alcool, drogue, misère – souvent jusqu'au cou, sans aucun espoir d'en sortir. Edward Bunker y dresse également le constat d’un clivage ethnique Noirs / Blancs dans la prison et dans la ville. La haine raciale entre ces deux communautés, qui se renforce, s'exacerbe et qui donne lieu périodiquement à des débordements de violence quasi-incontrôlables.

Écrit d'une plume vive et percutante, les actions se succèdent sans relâche. Tout va trop vite. Pourtant, ce ne sont pas les casses et leur description qui font la force de ce roman. C'est parce qu'il nous permet de vivre de l'intérieur les pensées, les espoirs, les colères, les contradictions de Max Dembo, l'engrenage inéluctable dans lequel il se retrouve coincé, alors même qu’il est lucide sur l'absurdité de sa destinée.

Une fois le livre refermé, il m'apparait que c’est la force de cette histoire, qui nous accroche, mais qu'elle ne serait rien sans l'écriture d'Edward Bunker. Riche en dialogues, elle est souvent pleine d’humour

« Monsieur » songeai-je, « Auriez-vous un emploi disponible pour un cambrioleur saisonnier, arnaqueur, faussaire et voleur de voiture ? Justifiant également d’une certaine expérience en tant que voleur à main armée, maquereau, tricheur professionnel et autres petites choses »

Mais, et tout particulièrement dans les descriptions de la ville, ce roman est émaillé de moments poétiques et sombres.

Une forêt de néons se mit à vivre. L’auréole de brillance autour de chaque tube grandit au fur et à mesure qu’elle avalait la nuit. Les éclairs intermittents de couleur giclaient comme des spasmes, des bulles de textes illustrés, en tourbillons, en explosions, luisant sur le métal poli des automobiles. Je me mis en marche vers l’ouest simplement parce que c’était là que les lumières brillaient le plus fort.

Mon souvenir de Chicago relève plus d’une aquarelle impressionniste, où couleur et détails viennent se fondre dans l’indistinct, que de l’image bien nette d’une photographie. Le mélange des néons rouges, verts, et argent reflété par les rues humides d’hiver luisait âpre et dur, et le vent faisait frissonner la gadoue salie de suie de la neige fondue.

Mon seul regret quant à ce livre, alors qu’il a été traduit me semble-t-il durant les années 90, est que la traduction m'apparaît terriblement datée. Vocabulaire de l'époque des tontons flingueurs. C'est dans les dialogues surtout que l'on ressent ce décalage.

– Y’a une photo de ta bergère dans le Chronicle d’aujourd’hui. (...)
Elle a aussi écrit un poème. Tu veux l’esgourder ?
– Ecoute, enfoiré pue-de-la-gueule. Laisse tomber ma bergère, et fous-lui la paix, sinon j’te colle le pedigree sur la passerelle.
– C’est moi ton papa, duconneau

Il mériterait je crois d'être retraduit avec le  vocabulaire des rues d'aujourd'hui. Malgré cela, je crois que pour tout amateur de roman noir ce livre est un pilier, une oeuvre majeure qu'on ne peut qu'avoir au premier plan dans sa bibliothèque.