mardi 3 février 2015

Après la guerre - Hervé Le Corre

Il est rare que je peine à lire un livre, que j’ai l’impression d’avoir dans les mains un pavé que je vais avoir du mal à terminer. Pourquoi en faire une chronique alors ? Je vous vois déjà près à reposer le livre sur le rayonnage de la librairie ou de la bibliothèque en vous disant 
-- à quoi bon, si c’est comme ça, c’est pas pour moi » .
-- Pas si vite ! parce que malgré cette peine, je peux vous assurer que ce livre mérite amplement qu’on fasse cet effort.

Pour l’histoire, d’abord. L’intrigue du roman bien sûr, mais aussi l’Histoire avec un grand H. Celle qu’on omet trop souvent dans nos livres d’histoire, celle des relents nauséabonds de l’après-guerre, des collabos qui ont su tirer leur épingle du jeu pour mieux tirer les ficelles d’un microcosme bordelais (mais qu’on imagine aisément le même dans bien d’autres villes de France) après « la deuxième guerre mondiale ». Celle d’Algérie, aussi, cette guerre dont on ose pas parler, car nous n’y avons pas tenu le beau rôle.

Pour les personnages ensuite, et surtout. Parce qu’ils sont riches et complexes. Tous sont dépeints en ombres et lumières, enfin presque tous, car pour l’inspecteur Darlac, pas facile de trouver même une infime lueur.

Ce livre, si c’est un peu l’histoire de vengeance, c’est d’abord et surtout l’histoire d’une guerre qui ne dit pas son nom, une guerre larvée alors même qu’elle est censée être finie, tandis que s’en imbrique une autre qui commence à peine. Une qu’on ne voit pas. Car elle se passe là-bas. En Algérie.

C’est un livre écrit au présent alors même que l’histoire qui nous est narrée nous emmène près d’un demi-siècle en arrière. Peut-être parce qu’aujourd’hui encore, même si on ne les voit plus vraiment, les cicatrices de ces deux guerres sont encore là. Peut-être aujourd’hui encore, sommes-nous « Après la guerre ».


Alors pourquoi malgré toutes ses qualités, ai-je tant peiné à lire ce livre ? Peut-être du fait du poids de cette histoire, la nôtre, ce poids dont on aimerait se décharger, se dire « pas concernés ». Peut-être aussi parce que l’écriture, si elle est belle et qu’elle mêle adroitement langage argotique et langage soutenu, m’a parfois semblé trop précise, trop descriptive. Là où j’aurai aimé parfois une toile plus impressionniste, davantage centrée sur l’émotion, l’auteur a choisi quant à lui le registre du réalisme. Rigoureux dans ses descriptions, très attentif aux détails, ajoutant souvent nombre d’adjectifs qualificatifs pour renforcer l’image qu’il souhaite nous transmettre. Cela contribue certainement à renforcer encore le poids de toute cette noirceur, mais, personnellement, cela m’a parfois éloignée du récit.  

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