mardi 18 août 2015

Un pays plus vaste que la terre - Wiley Cash

En ces temps troublés où, lorsque nous parlons d’extrémisme religieux, nos regards se tournent irrémédiablement vers le Moyen-Orient, j’ai eu grand plaisir à lire le roman de Wiley Cash « Un pays plus vaste que la terre » publié aux éditions 10/18. Premier roman de l’auteur, ce livre décentre cette problématique en nous plongeant au cœur des Etats-Unis et nous montre une face bien sombre de l’Amérique, où fanatisme religieux, violence et alcool gangrènent sournoisement les villages les plus calmes en apparence. On est loin, très loin de « la petite maison dans la prairie », dans l’envers du décors, l’enfer du décors... plutôt !

Ce premier roman se déroule dans une petite bourgade du sud des Etats-Unis dans les années quatre-vingts. Dans cette petite ville qui semble si tranquille, les conditions de travail sont rudes et tournées pour l’essentiel autour de l’économie du tabac. La religion y tient une grande place dans la cohésion de la communauté. Une trop grande place depuis que le pasteur Chambliss, un homme au passé trouble y devient prédicateur. S’inspirant de l’Evangile selon Saint Marc, il a une vision bien particulière de la religion et ses méthodes de prédication sont violentes et peu orthodoxes. A tel point que, Mademoiselle Lyle a préféré soustraire de son influence les enfants, pour les cours de catéchisme qu’elle leur dispense quand les adultes sont à l’office.

Jusqu’à la mort de Stump, un jeune garçon muet, personne pourtant ne vient mettre son nez dans la façon dont il gère église. S’agit-il d’un meurtre ? Ou d’un accident ?

A l’occasion de cette enquête, le sherif découvrira que la mort de l’enfant n’est pas le seul sombre secret que cache cette communauté.

Nous allons découvrir, dans ce roman à trois voix qui s’entremêlent, les raisons sordides de ce décès. Très vite, on est hapés par l’histoire. La question de savoir qui est responsable de la mort du jeune garçon ne se pose très vite plus. C’est comprendre l’engrenage insidieux qui a conduit à cela qui apporte tout son intérêt à ce livre, et nous le découvrons par petites touches au travers des regards croisés des trois protagonistes qui tissent cette histoire. C’est de découvrir comment des gens censés, glissent progressivement individuellement et collectivement jusqu’au dérapage inéluctable qui font la force de ce roman.






lundi 17 août 2015

Aux Belges reconnaissants - Martine Nougué - Les Editions du Caïman

Voilà un bouquin que j'ai dévoré dans la soirée. L’écriture ciselée de l’auteure y est pour beaucoup, mais je dois dire aussi que l’intrigue m’a également embarquée.


Tout se passe dans un petit village rural, l'un de ces 31 500 villages de moins de 2 000 habitants, au sud de France, mais je tiens le pari qu’au nord, on y trouve les mêmes…

Ambiance campagne donc. Le coq, les balcons fleuris, le clocher du village et surtout le bar tabac du coin où s'échangent tous les cancans. Un de ces lieux un peu paumés où tout le monde à l’impression de faire partie de la même grande famille, enfin presque tous, car il y a les « étrangers », ceux venus d’un village voisin ou pire encore, de la ville d'à côté, voire, comble de l'horreur, de la capitale. Mais comme dans toute grande famille soudée,il y a quelques tensions et quelques « secrets de famille » bien enterrés, mais toujours prêts à refaire surface.

Alors, dans la famille « Castellac » (c’est le nom du bled) on demande…
– Le maire, notable indéboulonnable
– La mère, une pièce rapportée qui a préféré s’éloigner
– Le fils, un artiste dont les projets s’opposent à ceux du papa
– L’écolo révoltée, qui veut faire souffler un vent nouveau sur le pays.
Et bien sûr, les chasseurs, les mégères, les piliers du bar du village et les autres…

Le roman démarre lors des élections municipales. Le maire n’est pas un saint, mais les habitants préfèrent détourner les yeux. On ne fait pas d’ombre à la famille à laquelle on doit tout. Pourtant, un des projets qu’il porte semble faire plus de vagues, et rallie contre lui les quelques écolos du village qui ont osé monter une liste d’opposition.

Lorsqu’un meurtre se produit au village, au lendemain des élections, l’émoi est grand.

Celle qui se charge de mener l’enquête est une femme flic dynamique, Pénélope. Elle a du peps, c'est un personnage attachant, plein de vie. Son portrait est bien croqué et je gage qu’elle sera un personnage récurrent d’un prochain roman de Martine Nougué.  Si elle avait pu faire autrement, elle aurait volontiers laissé l’affaire à d’autres collègues du coin, mais ses supérieurs hiérarchiques ne lui ont guère laissé le choix.  Mais elle est noire, Pénélope, originaire du Sénégal, et dans ce petit village fermé sur lui-même, elle ne passe pas inaperçue. Elle enquête accompagnée d’un jeune stagiaire dont j'aurais aimé qu’il soit traité comme un personnage un peu moins secondaire de l’histoire. Il y a quelques passages où il prend toute sa place, mais ces moments sont rares et c’est bien dommage. Cela n’a cependant pas gâché mon plaisir de lecture.

Pour moi, la force de ce roman, c’est cette capacité de l’auteure à nous faire vivre de l’intérieur l’ambiance du village, ses ragots, ses tensions, les fissures dans les murs de vieilles pierres. Il semble si charmant ce village, vu de l'extérieur avec ses murs crépis à l’ancienne et ses volets colorés, mais je me garderai de vous en dévoiler l'intrigue. J'ai aussi aimé la verve de l'auteur et la vivacité des dialogues.

Je ne vous en dis pas plus... à vous désormais de soulever le rideau aux petits carreaux vichy. À vous, au fil des pages d’exhumer les secrets que renferme ce petit village…