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jeudi 28 avril 2016

Zombi – Joyce Carol Oates – Livre de poche



Ne vous fiez pas au titre de ce livre. Contrairement à ce que vous pourriez penser, il ne s’agit pas d’une histoire de morts-vivants à classer dans le même registre que Walking Dead, mais d’une histoire de Serial Killer.

L’histoire de Quentin, racontée de l’intérieur. Peut-être l’intérieur de son esprit dérangé, ou bien par l’intermédiaire de son journal intime. Difficile de trancher, mais une série de petits croquis émaillant le récit me font pencher pour la deuxième hypothèse.

Une histoire glaçante, écrite au scalpel. Une écriture quasi clinique. J’ai été surprise, au début, par la typographie. Le fait que les « et » sont remplacés systématiquement par l’esperluette « & », mais aussi par la ponctuation parfois décalée par rapport aux codes classiques. Joyce Carol Oates entremêle dans ce récit, des phrases extrêmement longues, hachées par ces & qui accrochent le regard, et des phrases courtes, où le point final n’est pas toujours là où on l’attend. Ce travail sur la typographie rend la lecture inconfortable, mais c’est justement ce qui contribue à rendre compte de l’état de confusion dans lequel vit Quentin.. Elle accentue le malaise qu’on peut ressentir à la lecture de ce livre.

L’histoire, par elle-même et la raison du titre, je me garderais bien de vous les dévoiler. Vous découvrirez cela au fil des pages. Cependant, si vous imaginez qu’un Serial Killer est un type vivant en marge de la société, vivant caché, loin de tous, vous risquez d’être surpris par Quentin.
Ce fils de notable est quelqu’un tout ce qu’il y a de plus ordinaire. Serviable, il s’occupe de tondre régulièrement le jardin de sa grand-mère, et de l’accompagner chez sa meilleure amie en lui servant de taxi. Il fait des études universitaires et semble parfaitement inséré socialement.

Au travers de cette sombre histoire, en transparait une autre, en filigrane. Celle d’une société où selon son statut social, la justice n’est pas la même. D’ailleurs, derrière le vernis social, n’y a t’il que Quentin qui cache de sombres secrets ?

La chronique Audio de ce livre, sur Radio Béton, c'est ici

jeudi 21 avril 2016

Haïku - Eric Calatraba

J’ai découvert l’écriture d’Eric Calatraba au travers du trophée Anonym’us. Sa nouvelle qui a fini en troisième position n’a laissé aucun membre du jury indifférent. J’ai été intriguée par son écriture et me suis penchée sur son roman Haïku. Je ne le regrette pas. Cela fait déjà plusieurs semaines que j’ai terminé ce livre et il laisse dans mon esprit son empreinte. Ce n’est pas le cas de tous les livres que j’ai pu lire… Hélas. 

Contrairement à ce que son titre pourrait laisser croire, Haïku n’est pas un roman contemplatif, nous invitant à la méditation. Il n’est pas non plus un recueil de poèmes japonais, odes à la nature. Non… Haïku sent le cuir, l’odeur du caoutchouc brûlé et du moteur encore chaud de l‘Hayabusa.  On y entend le crissement des pneux, le bruit des coups et des balles, ou celui plus discret, mais tout aussi efficace du Katana… 

Si Haïku est un roman dense, riche en actions, qu'on y trouve des personnages bien campés, avec une solide intrigue, il est loin de n’être que cela. Il nous fait voyager au travers des continents, entre l’Europe, la Russie et le Japon. Il nous invite à apprécier la philosophie que portent les arts martiaux, et notamment celle de l’aïkido. Mais ce qui, pour moi, le distingue de tant de romans d’action et de suspense qui eux aussi sont riches de ces ingrédients,  c’est la place des arts dans ce livre. Ils apportent au récit un surcroit de profondeur. Bien évidemment, il y a les haïkus, qui ont donné au récit son titre, mais plus encore la musique. La musique classique, les airs d'opéra qui ne sont pas là en fond, comme faire-valoir du roman, mais qui jouent dans ce roman un rôle essentiel.

Au final, j’ai eu souvent la sensation, non pas de lire un livre, mais d’être plongée dans un film riche en rebondissements. Un film avec son décor et avec sa bande son. Un livre qu’une fois commencé je n’ai pu lâcher avant la fin. Haïku est un livre haletant et j’espère qu’un jour il sera porté à l’écran. 

Ce roman peut être lu en version numérique pour un prix raisonnable. Vous pouvez le trouver ici : http://www.editionsdelondres./Haiku - Il peut également être commandé en version brochée publié aux éditions sudarènes (mais c'est plus cher). 

vendredi 15 avril 2016

A mort le chat ! Jeremy Bouquin

Avec ce livre vous allez embarquer dans un voyage qui va vous emmener des plus chics quartiers parisiens jusqu'au bled rural le plus paumé de France.

Vous avez intérêt à accrocher votre ceinture parce que le voyage est trépidant. L'écriture de Jérémy est alerte, pleine de punch et rend le récit vivant. 

Il faut dire que le héros de cette histoire est passablement déjanté, suffisamment pour accepter, alors même qu'il est végétarien, de faire du lobbying pour tenter de convaincre les français que les OGM, c'est super... Pour ce faire, il décide de descendre en province, à la recherche de l'homme providentiel, celui qu'il saura convaincre pour faire campagne.

On ne s'ennuie pas à le suivre dans cette sombre aventure qui va le mener des coulisses du pouvoir parisien à celles plus sordides encore d'un village paumé du sud de la France.

Et les chats, alors ? Hein ? Que viennent-ils faire dans cette histoire ?
Amoureux de nos amis à la douce fourrure et au ronronnement apaisant, si votre âme est trop sensible, accrochez-vous.  Ces pauvres bestioles vont passer un sale quart d'heure et vous risquez quelques haut-le-cœur. Si cela peut vous consoler, les chats ne seront pas les seuls de cette histoire à y laisser quelques plumes. Notre héros va lui aussi prendre sévère. Il faut dire qu'il va rencontrer de bien sombres personnages qui n'ont rien à envier, quant à leurs méthodes,  à celles, pour le moins expéditives des maffias les mieux organisées. Le garagiste de ce bled paumé, par exemple, aurait tout aussi bien pu être boucher.

jeudi 14 avril 2016

La falaise - Marie Delabos


Voilà un petit bouquin, plus proche du format novella que du format roman, dont j'aurais aimé qu'il soit plus long, car je me suis laissée emporter par la plume de Marie. Une plume légère et tendre, faite de douceur autant que de douleur.



Vous pouvez trouver ce roman aux éditions de Londres : http://www.editionsdelondres.com/La-falaise 

ou au format papier chez Sudarènes éditions, en le commandant via votre libraire ou en ligne.

Personnellement, je vous conseillerai la version numérique car le coût en est vraiment raisonnable.

C'est un récit tendre et déchirant. Un compte-à-rebours vers un événement redouté, que jusqu'au bout on se refuse à envisager, quand bien même il paraît inéluctable. Un livre plein d'émotion, mais dont les mots, s'ils racontent la douleur, le font avec retenue. Pas d'étalage de grands sentiments, pas de délectation à raconter l'évènement. Une écriture sobre et poétique. Pleine de pudeur.

Au final, ces pages que l'on tourne, l'air de rien, pèsent chacune de plus en plus lourd au fil du récit. Les signes de plumes se muent en signes de plomb.

Un livre que j'ai refermé, des larmes au bord des yeux, le cœur battant.

samedi 30 janvier 2016

La silhouette c’est peu – Nathalie Peyrebonne – Editions Phebus

La plupart des chroniques sur ce blog concerne des romans policiers, des romans noirs ou des livres jeunesse. Ce livre n'entre dans aucune de ces catégories, quoique, à sa façon, il est bien sombre aussi. Mais j'ai eu un vrai coup de coeur et je compte bien vous le faire partager.

De quoi s'agit-il ?

Tandis que des dictons parsèment depuis peu les rues de Paris, sans qu’on sache ni qui, ni pourquoi, nous allons voir progressivement quatre personnages s’esquisser par petites touches, au fil des mots et des dictons, comme un tableau impressionniste.

Angélique, la quarantaine, a décidé de ne plus quitter son appartement. Elle n’est pas aigrie, ni malade, mais elle ne veut plus être que spectatrice de ce monde qui vacille. Diane, elle est conductrice de taxi, elle s’interroge sur ses amours et elle attend. Agnès, scaphandrière, oublie le jour le chaos de sa vie recomposée en plongeant dans les eaux sombres de la Seine d’où elle extirpe parfois quelques trésors dérisoires. Edmé, un SDF, s’est choisi, comble de l’ironie, une marquise en guise d’abri.

Quatre personnages, donc, dont on sait peu de choses et qui vont, comme à la lueur d’une bougie, être partiellement éclairés d’une lumière mouvante, par les mots de l’auteure. On devine plus qu’on ne voit. La part d’ombre et de mystère reste plus importante que ce que l’auteure décide de nous dévoiler.

Les dictons sont les petites clés qui éclairent jour après jour une facette de la vie ou de la personnalité d’un personnage ou d’un autre. Introduisant chacun des quarante-cinq courts chapitres de ce récit, ils marquent aussi le temps qui passe. Du 30 aout « journée mondiale des personnes disparues » au 25 mai « journée mondiale de la serviette » en passant par celui du Saint Rémi, celui ou perdreaux vaut perdrix ou par la Sainte Catherine, quand tout arbre prend racine. Ils donnent sens parfois philosophique, souvent ironique à chacun des chapitres.

J’ai tout particulièrement aimé la plume légère de l’auteur. Elle est pleine de douceur et de poésie, mais cela ne l’empêche pas, bien au contraire, de nous renvoyer à travers ses mots quelques vérités bien senties. C’est un livre léger, mais loin d’être inconsistant. Cette légèreté n’empêche pas, et c’est toute la force de ce récit, de laisser une empreinte durable dans nos esprits. Il nous invite à nous interroger, à faire un pas de côté pour observer le monde et y trouver notre place plutôt que de continuer à nous agiter vainement dans l’arène.


samedi 16 janvier 2016

L'heure des fous - Nicolas Lebel

Vous n’aviez pas envie que les vacances se terminent ? Vous n’avez pas envie de vous prendre la tête,mais de lire un chouette polar à l’intrigue bien ficelée ? Vous êtes fan de personnages hauts en couleur ? Alors si vous ne connaissez pas encore Nicolas Lebel et son livre « L’heure des fous » c’est le moment de découvrir ce livre et la galerie de personnages qu’il nous a concocté.

En premier chef, Merhlicht. La voix rapeuse comme de la toile émeri, une gueule à faire peur, noyée dans un quasi-permanent smog bleuté aux vapeurs de gitane.
Son bras droit bodybuildé aurait pu choisir d’être architecte, tant son goût du carré, de la ligne droite d’où rien ne dépasse est très en harmonie avec le design d’aujourd’hui.
Pour compléter l’équipe, une rouquine qui ne s’en laisse pas compter. Il faut dire que pour trouver sa place auprès de ces deux énergumènes, il vaut mieux avoir un sacré caractère.
C’est cette équipe de choc que découvre notre quatrième larron, un flic stagiaire qui se demande ce qu’il fiche dans cette équipe. Mais il n’a pas tellement le temps de se poser la question, car un macchabée vient de leur tomber sur le paletot. Comme c’est un clodo, une enquête de routine devrait clore l’affaire rapidement, mais contre toute attente, l’histoire va déraper !


Si comme moi vous aimez les histoires écrites avec pas mal de verve, vous allez être servis. Il y a un éloge appuyé aux dialogues d’Audiart dans ce livre. Le vieux Merhlicht, probablement oublié par les théories de l’évolution est resté scotché aux années soixante et, tant dans ses méthodes d’investigation que dans son langage, il se frotte au monde et techniques moderne, portées par le reste de l’équipe et le jeune stagiaire.

Mais cela n'empêche absolument pas ce roman d'être moderne. Pas de nostalgie naphtalinée , ce n’est pas un remix des tontons flingueurs. C’est bien du monde d’aujourd’hui dont nous parle Nicolas Lebel et le ton léger du roman n’empêche pourtant pas quelques réflexions sur la place des laissés pour compte de notre société ou sur les techniques de manipulation des masses. Bref, c’est un livre à lire pour le plaisir et le divertissement, mais pas seulement.  Alors surtout, n'hésitez plus, filez le lire !

vendredi 15 janvier 2016

Enfin (tous) réunis - Annabelle Lena - Editions du Caïman



Marseille. Un crime. Celui d’un proxénète, un couteau en plein cœur. Cela pourrait être une banale histoire de vengeance, d’autant qu’il n’est pas le premier à s’être fait planter ainsi.

Le commissaire Rognes et son équipe sont en charge de cette affaire, et à part une vieille photo qui irrésistiblement attire le regard du commissaire, ils n’ont pas grand-chose à se mettre sous la dent pour lancer l’enquête.

Avec une telle entrée en matière, vous pourriez vous attendre à un polar plutôt classique. Mais c’est sans compter sur le talent d’Annabelle Lena. Elle campe dans ce roman des personnages forts. La ville de Marseille habite ce roman. Loin d’être un simple décor,  un faire-valoir,  elle en est un personnage à part entière.

Ne comptez pas sur moi pour vous dévoiler le moindre élément de l’intrigue. Cette dernière est trop bien ficelée pour que je me risque à vous gâcher la surprise en en révélant ne serait-ce qu’un élément. L’histoire est haletante jusqu’aux toutes dernières pages du récit. J’ai adoré la chute de l’histoire qui m’a vraiment cueillie par surprise. Mon seul bémol  quant à ce livre  est la succession de petites annotations en bas de page pour qui ne connaitrait pas le parler marseillais, ses traditions. Mais rien ne vous oblige à les lire et franchement ce serait dommage que cela vous arrête dans votre élan pour le commander auprès des éditions du Caïman.
Pour tout vous dire, j’espère bien qu’il y aura une suite, car c’est impossible que cette histoire en reste là. Je n’ai qu’une hâte, retrouver  la plume d’Annabelle Lena, alerte, incisive qui croque ses personnages avec une bonne dose d’humour grinçant.

samedi 17 octobre 2015

Spécial Quinzaine du livre jeunesse 2015 - #Bleue - Florence Hinckel - Editions Syros Soon


Il y a Silas, et aussi Astrid. Ils sont lycéens dans un futur qu’on imagine assez proche. Ils vivent tous deux dans un monde serein, dans lequel peut intervenir à tout moment une brigade d’intervention spéciale chargée d’effacer de la mémoire tout souvenir douloureux. A la place, juste un point bleu au poignet, seul signe de la souffrance oubliée. Et puis, il y a le réseau sur lequel chacun poste ses humeurs, ses gestes, et où les amis constamment "veillent" sur vous. 

Mais eux, pas de problèmes, ils sont heureux, amoureux. Jusqu'à ce que tout bascule lorsqu’Astrid se fait renverser par une voiture... 

Je ne vous en dirai pas plus, ce serait dommage, mais je peux vous dire que ce livre est un magnifique roman d’anticipation qui, bien qu’il soit classé parmi les livres jeunesse pourrait également être lu par des adultes.

Il est un extraordinaire support de réflexion sur la place des réseaux sociaux comme instrument du contrôle social et sur les décisions que peut prendre une société, théoriquement dans l’intérêt de ses citoyens mais qui peut finir par s’exercer à leurs dépends.

Ainsi, qui, comme dans ce livre, pourrait être contre les moyens qu’offrirait la science de lutter contres les douleurs causées par des blessures morales, des deuils ? Qui souhaiterait s’opposer à l’idée d’épargner ces souffrances, notamment aux enfants ?

Ce livre, d’une grande profondeur nous invite à nous questionner. L’auteur nous propose de regarder ce monde qui pourrait être demain pour mieux questionner celui d’aujourd’hui. Elle nous invite à réfléchir à ce qui fait de nous des hommes, le rôle que joue la souffrance dans la construction d’un individu.


Mais plutôt que de vous parler de toutes les questions que fait naitre ce livre, je vous invite à le lire. 

samedi 10 octobre 2015

Spécial Quinzaine du livre jeunesse 2015 - Le pire concert de l'histoire du Rock - Manu Causse

Il était impossible de passer à côté d’un livre au titre pareil, sachant que la chronique serait diffusée sur Radio Béton. S’eut été sacrilège... 

J’ai donc jeté un œil, puis très vite un deuxième, avant de dévorer ce roman d’une seule traite. Il faut dire que ce petit roman de 85 pages est une vraie pépite.


Imaginez un peu : C’est l’histoire de Jean Sébastien, un jeune garçon qui cherche par tous les moyens à se rendre le plus banal, le plus invisible dans son collège, histoire de ne pas attirer les ennuis. Tout va bien jusqu’à ce qu’il déménage vers un petit collège de province et qu’il soit obligé, malgré lui, d’y dévoiler ses talents de pianiste virtuose.

Sauf que Bach, Mozart ou Beethoven ne sont pas nécessairement les références incontournables pour voir son aura grandir dans la cour d’un collège.

Aussi quand Brutus et Brutus, deux armoires à glace du collège demandent à Jean-Sébastien de les voir à la récré, ce dernier craint le pire. Va-t-il se faire fracasser la tête ? Contre toute attente, les deux costauds jouent dans un groupe de rock et l’invitent à les rejoindre. Ils ont besoin d’un bassiste (ouais, c’est plus proche de la guitare que d’un piano, mais ils ont un vieux synthé, alors ça devrait pouvoir faire l’affaire...). Et Jean-Sebastien le pianiste virtuose se trouve embarqué dans un groupe au rock très approximatif et aux riffs de guitare désaccordée.


Ce livre est vif, pétillant plein d’humour et d’énergie. Ça se lit sans soucis dès le début du collège. Alors n’hésitez pas à vous jeter sur ce roman : Le pire concert de l’histoire du Rock, de Manu Causse aux éditions Thierry Magnier.

mardi 18 août 2015

Un pays plus vaste que la terre - Wiley Cash

En ces temps troublés où, lorsque nous parlons d’extrémisme religieux, nos regards se tournent irrémédiablement vers le Moyen-Orient, j’ai eu grand plaisir à lire le roman de Wiley Cash « Un pays plus vaste que la terre » publié aux éditions 10/18. Premier roman de l’auteur, ce livre décentre cette problématique en nous plongeant au cœur des Etats-Unis et nous montre une face bien sombre de l’Amérique, où fanatisme religieux, violence et alcool gangrènent sournoisement les villages les plus calmes en apparence. On est loin, très loin de « la petite maison dans la prairie », dans l’envers du décors, l’enfer du décors... plutôt !

Ce premier roman se déroule dans une petite bourgade du sud des Etats-Unis dans les années quatre-vingts. Dans cette petite ville qui semble si tranquille, les conditions de travail sont rudes et tournées pour l’essentiel autour de l’économie du tabac. La religion y tient une grande place dans la cohésion de la communauté. Une trop grande place depuis que le pasteur Chambliss, un homme au passé trouble y devient prédicateur. S’inspirant de l’Evangile selon Saint Marc, il a une vision bien particulière de la religion et ses méthodes de prédication sont violentes et peu orthodoxes. A tel point que, Mademoiselle Lyle a préféré soustraire de son influence les enfants, pour les cours de catéchisme qu’elle leur dispense quand les adultes sont à l’office.

Jusqu’à la mort de Stump, un jeune garçon muet, personne pourtant ne vient mettre son nez dans la façon dont il gère église. S’agit-il d’un meurtre ? Ou d’un accident ?

A l’occasion de cette enquête, le sherif découvrira que la mort de l’enfant n’est pas le seul sombre secret que cache cette communauté.

Nous allons découvrir, dans ce roman à trois voix qui s’entremêlent, les raisons sordides de ce décès. Très vite, on est hapés par l’histoire. La question de savoir qui est responsable de la mort du jeune garçon ne se pose très vite plus. C’est comprendre l’engrenage insidieux qui a conduit à cela qui apporte tout son intérêt à ce livre, et nous le découvrons par petites touches au travers des regards croisés des trois protagonistes qui tissent cette histoire. C’est de découvrir comment des gens censés, glissent progressivement individuellement et collectivement jusqu’au dérapage inéluctable qui font la force de ce roman.






lundi 17 août 2015

Aux Belges reconnaissants - Martine Nougué - Les Editions du Caïman

Voilà un bouquin que j'ai dévoré dans la soirée. L’écriture ciselée de l’auteure y est pour beaucoup, mais je dois dire aussi que l’intrigue m’a également embarquée.


Tout se passe dans un petit village rural, l'un de ces 31 500 villages de moins de 2 000 habitants, au sud de France, mais je tiens le pari qu’au nord, on y trouve les mêmes…

Ambiance campagne donc. Le coq, les balcons fleuris, le clocher du village et surtout le bar tabac du coin où s'échangent tous les cancans. Un de ces lieux un peu paumés où tout le monde à l’impression de faire partie de la même grande famille, enfin presque tous, car il y a les « étrangers », ceux venus d’un village voisin ou pire encore, de la ville d'à côté, voire, comble de l'horreur, de la capitale. Mais comme dans toute grande famille soudée,il y a quelques tensions et quelques « secrets de famille » bien enterrés, mais toujours prêts à refaire surface.

Alors, dans la famille « Castellac » (c’est le nom du bled) on demande…
– Le maire, notable indéboulonnable
– La mère, une pièce rapportée qui a préféré s’éloigner
– Le fils, un artiste dont les projets s’opposent à ceux du papa
– L’écolo révoltée, qui veut faire souffler un vent nouveau sur le pays.
Et bien sûr, les chasseurs, les mégères, les piliers du bar du village et les autres…

Le roman démarre lors des élections municipales. Le maire n’est pas un saint, mais les habitants préfèrent détourner les yeux. On ne fait pas d’ombre à la famille à laquelle on doit tout. Pourtant, un des projets qu’il porte semble faire plus de vagues, et rallie contre lui les quelques écolos du village qui ont osé monter une liste d’opposition.

Lorsqu’un meurtre se produit au village, au lendemain des élections, l’émoi est grand.

Celle qui se charge de mener l’enquête est une femme flic dynamique, Pénélope. Elle a du peps, c'est un personnage attachant, plein de vie. Son portrait est bien croqué et je gage qu’elle sera un personnage récurrent d’un prochain roman de Martine Nougué.  Si elle avait pu faire autrement, elle aurait volontiers laissé l’affaire à d’autres collègues du coin, mais ses supérieurs hiérarchiques ne lui ont guère laissé le choix.  Mais elle est noire, Pénélope, originaire du Sénégal, et dans ce petit village fermé sur lui-même, elle ne passe pas inaperçue. Elle enquête accompagnée d’un jeune stagiaire dont j'aurais aimé qu’il soit traité comme un personnage un peu moins secondaire de l’histoire. Il y a quelques passages où il prend toute sa place, mais ces moments sont rares et c’est bien dommage. Cela n’a cependant pas gâché mon plaisir de lecture.

Pour moi, la force de ce roman, c’est cette capacité de l’auteure à nous faire vivre de l’intérieur l’ambiance du village, ses ragots, ses tensions, les fissures dans les murs de vieilles pierres. Il semble si charmant ce village, vu de l'extérieur avec ses murs crépis à l’ancienne et ses volets colorés, mais je me garderai de vous en dévoiler l'intrigue. J'ai aussi aimé la verve de l'auteur et la vivacité des dialogues.

Je ne vous en dis pas plus... à vous désormais de soulever le rideau aux petits carreaux vichy. À vous, au fil des pages d’exhumer les secrets que renferme ce petit village…

mercredi 15 juillet 2015

Cannibal Tour - Anouk Langaney - aux éditions Albiana

J’ai trouvé Le polar de l’été. Le livre à emporter sur la plage. C’est Cannibal Tour d’Anouk Langaney. 


Je ne sais pas si c’est la proximité des îles sanguinaires qui ont été la source de son inspiration, mais ce livre, je te le promets, tu vas dévorer. Tu n’en feras qu’une bouchée !

– Il est peut-être cool ce bouquin, mais tu vois, moi, la plage, j’y vais pas.

– T’inquiète pas, c’est pas indispensable d’être affalé sur un transat avec le bruit des vagues en arrière plan. C’est un plus, c’est sûr, mais je te promets qu’il n’y en a pas besoin pour vivre pleinement cette histoire, pour éprouver un léger dépaysement et oublier Paris et les embouteillages.

– Et il a quoi de si génial, ce polar ?

– D’abord une intrigue aux petits oignons. L’auteure va te laisser mariner un sacré moment avant de te révéler le fin mot de l’histoire. D’ailleurs cette dernière est pimentée à souhait. Relevée juste ce qu’il faut.

– OK, OK, mais ça parle de quoi au juste ?

– Allez, parce que c’est toi, je te dévoile quelques bribes de l’intrigue. En guise de mise en bouche. Tu vas découvrir une petite île paradisiaque, celle pour laquelle tu te damnerais, juste à l’idée d’y passer tes prochaines vacances. Sauf qu’il s’y réveille une étrange coutume qui avait disparu depuis de nombreuses années : le cannibalisme. Les raisons de ce réveil soudain de ces mœurs ancestrales ? Elles ne te seront révélées que dans les dernières pages. Le coupable... Ben si je te raconte tout, ça serait quand même dommage !

–  Mouais, mais tu sais, moi, le cannibalisme, c’est pas ma tasse de thé, si je puis m’exprimer ainsi !


–  Ben moi, le thé, c’est pas trop ma tasse non plus et le cannibalisme, vu que j’ai des tendances végétariennes, je n’en suis pas très friande d’habitude. Mais ce roman qu’Anouk Langaney a concocté pour nous, c’est du quatre étoiles au guide Michelin. Elle nous sert une histoire pleine de verve et de bonne humeur. Les mots fusent, t’explosent en bouche. Parce que l’écriture, elle est là. Croustillante. On s’en délecte. L’histoire est légère, s’avale toute seule, elle ne plombe pas ta journée, ni ton estomac. Pourtant elle est riche aussi, en rebondissements surtout. Elle a du corps, une légère amertume en bouche qui apporte malgré le ton délibérément humoristique, de la densité au récit. Pour tout te dire, c’est un mets de roi. Tu le trouves aux éditions Albiana. Ça s’appelle Cannibal Tour et c’est un livre écrit par Anouk Langaney.

dimanche 3 mai 2015

Les âmes troubles - Olivier Taveau

Les âmes troubles, premier roman d’Olivier Taveau a été récompensé par le prix du premier roman du festival de Beaune. A juste titre...

L’histoire est d’abord et avant tout autre chose une histoire policière qui tourne autour des crimes commis par un Serial Killer et des moyens de plus en plus lourds que la brigade de police chargée d’enquêter sur cette sordide affaire met en œuvre pour l’identifier et l’arrêter. Comme attendu en pareil cas, l’histoire se décline dans le registre de la recherche d’indices et de la traque. Le lecteur au fil des pages est emmené d’un crime à l’autre et dresse, lui aussi, la liste des suspects potentiels.

L’écriture d’Olivier Taveau est fluide, efficace et très vite, j’ai été embarquée par le rythme soutenu de l’histoire qui ne nous ménage pas en terme de rebondissements. J’étais à peine à la moitié du livre quand je me suis demandée, mais forcément c’est la fin, comment l’auteur va-t-il nous entrainer sur presque cent pages de plus ? Il fallait lui faire confiance, l’histoire ne s’est pas essoufflée, et nous a amené de territoires carbonisés aux espaces sauvages les plus glacés du Québec.


Mais je crois que ce qui m’a le plus marquée dans cette histoire c’est qu’elle s’enrichit d’une autre, plus métaphysique qui vient s’entremêler à la première. Très vite on se demande qui sont Loah, Virgile ou Paltine ? Quels rôles vont-ils jouer dans cette histoire ? Leur présence nous trouble, et fait que ce roman oscille entre réalisme et surnaturel. J’ai parfois pensé au fil des pages au réalisme magique. Souvent derrière cette appellation on pense à Gabriel García Márquez, mais on pourrait aussi évoquer d'autres auteurs de Marcel Aymé à Franz Kafka. Bref dans un monde tout ce qu'il y a de plus réaliste, de plus cru, l'onirique et le surnaturel viennent apporter une autre dimension. Cela fonctionne à merveille, et ce parti pris apporte une belle densité au roman. Il permet à l’auteur sans qu'on quitte pour autant le registre du roman policier, d'ouvrir d'autres portes. Grace à ces personnages, loin d’être anecdotiques, se joue au cœur même de l’enquête, une autre histoire. Une quête de sens, une réflexion sur le divin, distinct très clairement dans ce roman des dogmes religieux. Par ce jeu de tissage entre ces deux niveaux du récit, l’auteur nous amène l'air de rien vers de réflexions plus larges sur le pouvoir et l’impuissance, même des plus grands, face à ce qui les dépasse. Impuissance d’un homme face à son destin, impuissance des forces de police, malgré leur nombre et leur détermination face à un tueur fou et insaisissable, impuissance de la science à comprendre les maladies mentales et jusqu’aux forces surnaturelles impuissantes à changer le cours du destin. Au travers de cette histoire, l’auteur évoque également la solitude et le devoir souvent trop lourd que la vie nous amène à porter.  

C'est d'abord et avant tout un roman policier qu'on dévore, mais c'est aussi un peu plus que cela.

mercredi 8 avril 2015

Sara La Noire - Gianni Pirozzi

Sara la noire – Gianni Pirozzi – Edition Rivage /Noir


Ce roman, ce sont des personnages qui se télescopent. Ça se passe à Paris et en Camargue aussi. Ça se passe en hiver et si les rues sont froides, l’ambiance, elle, monte rapidement en température pour devenir vite explosive.

C’est l’histoire de Guillermo, un flic, moitié gitan obsédé par une affaire non résolue de plus de sept ans. Celle de la disparition de deux jeunes gitanes, l’une retrouvée morte, l’autre toujours portée disparue. Il s’est solennellement engagé auprès de la famille à retrouver la trace de cette dernière et c’est une promesse qu’il ne prend pas à la légère. Mais Guillermo, c’est aussi un flic brutal qui trempe dans des trafics de drogue et de prostitution.
C’est aussi l’histoire de Djibril, encore mineur, qui vient de se tirer d’un centre éducatif renforcé. A la rue, il se débrouille comme il peut quand soudain, tout pourrait changer pour lui. Il pourrait toucher le jackpot quand il se retrouve embarqué dans un règlement de compte avec en ligne de mire la peau de Guillermo.

Lui, Guillermo, c’est Hafzia qu’il a dans la peau. Cette jeune femme s’est retrouvée entre ses mains lorsqu’elle a fui son mari trop violent. C’est son autre obsession, à Guillermo, cette femme. Est-ce pour ne pas risquer de la perdre qu’il l’a faite tomber dans la drogue et la prostitution ?

Ce qui est sûr c’est qu’il dépasse la ligne rouge, Guillermo. A force d’être écartelé entre deux mondes, tout va finir par basculer et ça ne va pas se faire sans casse...

Ce livre, c’est aussi une écriture. Sèche. Sans fioritures. Des phrases courtes, des dialogues vifs. Gianni Pirozzi nous emmène droit à l’essentiel. On ressent peu d’empathie pour les personnages, mais c’est parce que rien n’est fait pour nous y inviter. Quelques sauts en arrière, surtout en début de récit, viennent éclairer le lecteur. Personnellement j’ai peu apprécié ces « flash-back » que j’ai trouvé un peu juxtaposés au récit principal, néanmoins j’ai pris plaisir à suivre les protagonistes de ce drame jusqu’à la chute finale.


L’une des particularités de ce roman, c’est que l’auteur s’est inspiré d’une nouvelle de Marc Villard « Entrée du diable à Barbès-Ville » également édité chez Rivage en 2008. Cette nouvelle, il se l’est appropriée, il l’a retravaillée pour y mettre sa patte et en faire ce roman : Sara la Noire. Un livre de Gianni Pirozzi édité chez Rivage Noir.

lundi 23 mars 2015

Elena Piacentini - Des forêts et des âmes - Editions Au-delà du Raisonnable

–  Dites, Docteur ! J’ai un petit coup de mou, là. Je manque d’entrain, je me sens lasse. Vous n’auriez pas un petit remontant à me proposer ?

–  Je crois avoir ce qu’il vous faut. Une cure de lecture, et pas n’importe quoi. Un roman d’Elena Piacentini. 385 pages. « Des forêts et des âmes », aux éditions Au-delà du raisonnable.

–  Vous croyez, Docteur ? C’est efficace ?

–  Et comment ! Ra-di-cal. C’est l’histoire d’un flic corse, échoué à Lille et qui va devoir se rendre dans les Vosges pour enquêter sur une tentative de meurtre sur l’un de ses agents. La pauvre, une fée de l’informatique, est toujours dans le coma. Moi, je peux vous assurer qu’une histoire pareille, avec le bon air de la montagne, ça va vous oxygéner la tête. Et ce n’est pas tout. Vous allez être happée par cette histoire pour comprendre dans quelle sombre machination cette pauvre petite a été fourrer son nez au point qu’on veuille l’éliminer. Je peux vous assurer que ça va réveiller votre vitalité. Vous allez retrouver du tonus !
Et puis les personnages, même secondaires sont bien campés. La grand-mère Corse, tout particulièrement, saura vous réconforter. Vous pouvez me croire, ça va vous ensoleiller le cœur !

– Et vous pensez que ça va faire effet rapidement ?

–  Aucun doute ! L’écriture de l’auteure est belle, riche et poétique. Ses descriptions de la nature qui émaillent le récit sont autant de tableaux qu’elle peint avec sa plume. Quelques chapitres très courts trois fois par jour, ou un peu plus si vous en ressentez le besoin, et l’effet sera là. Un vrai coup de fouet.

–  Un coup de fouet, d'accord, mais est-ce que les effets sont durables ?

–  Bien sûr ! Elena Piacentini ne fait pas que nous divertir. Elle nous offre en arrière-plan de ce récit un véritable travail de fond sur l’industrie pharmaceutique. Elle nous invite à nous questionner, à être vigilants.

–  Mais dites-moi, Docteur. Un remède miracle comme celui que vous me proposez a-t-il des effets secondaires ?

–  Ma foi, il semble qu’il y ait quelques effets mineurs, rien de bien méchant. Quelques patients ont eu le désir de lire d’autres livres d'Elena Piacentini. Et si cela devait vous arriver, je vous rassure tout de suite, ce roman, c'est la sixième enquêtes du commissaire Leoni et il n’y a aucune contre-indication à prolonger la cure...

samedi 14 mars 2015

Grossir le ciel - Franck Bouysse

Ce livre, c’est...

Ce sont toutes ces histoires tues, cachées au coeur de ces petits villages de nos campagnes. Ces secrets connus de tout le monde, sauf peut-être des principaux intéressés.

 Ce sont des gens ordinaires, des hommes de peu dont l’auteur nous dresse un portrait âpre et pourtant attachant.

Ce livre, c’est la neige, le silence, la solitude, la rudesse d’un pays qui marque de son empreinte les hommes qui y habitent.

Ce livre c’est celui d’un monde rural, qui s’éteint en silence, dans l’indifférence générale alors que ces hommes de la terre semblaient, jusqu’à il y a peu encore, être en mesure de défier l’éternité. Ces paysans qui répétaient génération après génération, ces gestes séculaires pour tirer de la terre le peu qu’elle voulait bien leur donner.

Mais ce livre, c’est avant tout cela une écriture. 

Impossible de citer les passages qui m’ont touchée, il me faudrait réécrire le livre. Franck Bouysse est capable de mettre de la poésie dans ces petits rien du quotidien rural. Ce veau qu’on emmène à téter, au bout d’une longe, ce piquet de clôture qu’on enfonce dans le sol gelé. Il transcende les actes prosaïques, voire triviaux par son écriture.

Rares sont les artistes qui savent montrer la poésie de ce monde rural sans tomber dans des clichés éculés. Jusqu’à présent, il n’y avait pour moi que Raymond Depardon qui, au travers de son objectif ou de sa trilogie « Profil paysan », avait su capter l’âme paysanne sans l’édulcorer ou la trahir en laissant toute sa place au silence. Il y a désormais Franck Bouysse. Avec sa plume, il nous amène à la rencontrer.

Ce livre, c’est « Grossir le ciel » de Franck Bouysse, un livre dont le jury du prix Calibre 47 vient de reconnaître toute la force et la singularité. Ne passez pas à côté !


mardi 3 février 2015

Après la guerre - Hervé Le Corre

Il est rare que je peine à lire un livre, que j’ai l’impression d’avoir dans les mains un pavé que je vais avoir du mal à terminer. Pourquoi en faire une chronique alors ? Je vous vois déjà près à reposer le livre sur le rayonnage de la librairie ou de la bibliothèque en vous disant 
-- à quoi bon, si c’est comme ça, c’est pas pour moi » .
-- Pas si vite ! parce que malgré cette peine, je peux vous assurer que ce livre mérite amplement qu’on fasse cet effort.

Pour l’histoire, d’abord. L’intrigue du roman bien sûr, mais aussi l’Histoire avec un grand H. Celle qu’on omet trop souvent dans nos livres d’histoire, celle des relents nauséabonds de l’après-guerre, des collabos qui ont su tirer leur épingle du jeu pour mieux tirer les ficelles d’un microcosme bordelais (mais qu’on imagine aisément le même dans bien d’autres villes de France) après « la deuxième guerre mondiale ». Celle d’Algérie, aussi, cette guerre dont on ose pas parler, car nous n’y avons pas tenu le beau rôle.

Pour les personnages ensuite, et surtout. Parce qu’ils sont riches et complexes. Tous sont dépeints en ombres et lumières, enfin presque tous, car pour l’inspecteur Darlac, pas facile de trouver même une infime lueur.

Ce livre, si c’est un peu l’histoire de vengeance, c’est d’abord et surtout l’histoire d’une guerre qui ne dit pas son nom, une guerre larvée alors même qu’elle est censée être finie, tandis que s’en imbrique une autre qui commence à peine. Une qu’on ne voit pas. Car elle se passe là-bas. En Algérie.

C’est un livre écrit au présent alors même que l’histoire qui nous est narrée nous emmène près d’un demi-siècle en arrière. Peut-être parce qu’aujourd’hui encore, même si on ne les voit plus vraiment, les cicatrices de ces deux guerres sont encore là. Peut-être aujourd’hui encore, sommes-nous « Après la guerre ».


Alors pourquoi malgré toutes ses qualités, ai-je tant peiné à lire ce livre ? Peut-être du fait du poids de cette histoire, la nôtre, ce poids dont on aimerait se décharger, se dire « pas concernés ». Peut-être aussi parce que l’écriture, si elle est belle et qu’elle mêle adroitement langage argotique et langage soutenu, m’a parfois semblé trop précise, trop descriptive. Là où j’aurai aimé parfois une toile plus impressionniste, davantage centrée sur l’émotion, l’auteur a choisi quant à lui le registre du réalisme. Rigoureux dans ses descriptions, très attentif aux détails, ajoutant souvent nombre d’adjectifs qualificatifs pour renforcer l’image qu’il souhaite nous transmettre. Cela contribue certainement à renforcer encore le poids de toute cette noirceur, mais, personnellement, cela m’a parfois éloignée du récit.  

dimanche 11 janvier 2015

Le Cramé - Jacques Olivier Bosco



Une chronique radiophonique de l'émission "Des poches sous les yeux" que vous pouvez retrouver parmi tant d'autres ici.

Vous avez envie de lire un livre comme on va voir un film, un film d’action ? Vous avez besoin de vous divertir ? De vous laisser embarquer dans les péripéties d’une histoire pleine de rebondissements ?

Vous aimez les enquêtes policières émaillées de détails assez glauques ? Entendre le craquement des cartilages au moment d’une baston ou la description sordide d’une scène où un taré larde sa victime d’une multitude de coups de couteau avec une fureur rare.

Vous restez nostalgique de ces feuilletons télévisés, comme Zorro ? Ceux dans lesquels le bandit des grands chemin est également un homme au grand cœur qui défendra, au péril de sa vie, la veuve ou l’orphelin.

Au final, vous vous en fichez un peu de la crédibilité d’une action pourvu qu’elle soit haletante. Vous jubilez, quand même criblé de balles, le héros parvient à s’en sortir.

Alors je vous invite à lire « le Cramé, de Jacques Olivier Bosco ».

Vous ferez au fil des pages, connaissance avec Gosta, dit « le Cramé ». Un type recherché par la police suite aux nombreux casses qu’il a réussi avec sa bande. Sauf le dernier. Il s’est terminé dans un bain de sang à cause d’une balance qui les a vendus aux flics. Et là, alors que nous n’en sommes qu’aux premières pages de l’histoire, il semble vraiment mal barré, le Cramé. On se demande comment il va pouvoir se sortir du commissariat où il est menotté et sacrément bien entouré, pour se retrouver ailleurs que derrière les barreaux d’une cellule forcément trop étroite pour lui et dans laquelle il risque de mariner durant de nombreuses années.

Mais cette histoire ne sera pas uniquement celle d’une vengeance. Elle sera aussi celle d’un gosse. Introuvable. Un gosse enlevé. Le Cramé s’est engagé auprès de la mère à tout faire pour le retrouver. Et lorsqu’il fait une promesse, il ne la prend pas à la légère.

Il y a de la vie, du nerf dans cette écriture, même si parfois le vocabulaire argotique est davantage celui des années 80 que celui d’aujourd’hui. Vous ne lirez pas l’histoire, vous la vivrez. Le cœur à cent à l’heure. Finalement, les détails rocambolesques, peu crédibles parfois, ou cet argot pas toujours actualisé ne viendront pas perturber plus que ça ce récit. C’est même peut-être ce qui fait le charme de ce livre. Cet écho avec les films policiers des années 70-80.

vendredi 2 janvier 2015

Une terre d'ombre - Ron Rash / Nos disparus - Tim Gautreaux






Une chronique pour deux livres qui se font écho, 





















Est-ce un hasard qui m’a fait ouvrir ces deux livres l’un juste après l’autre ? Toujours est-il qu’il y a entre ces deux œuvres des points de résonance et je ne les aurais peut-être pas perçus si je ne les avais pas lus consécutivement.
Bien sûr, il y a le contexte historique que ces deux auteurs américains ont choisi comme cadre de leur récit. L’année 1918 y est charnière et la première guerre mondiale s’y intègre en filigrane.
Mais il y a aussi l’importance qu’ont dans ces récits les bateaux de croisière. Dans l’un des romans, s’il est luxueux, il n’est qu’évoqué, tandis que dans l’autre, décrépi, il n’est plus que l’illusion de sa splendeur d’antan ce qui ne l’empêche pas d’être omniprésent tout au long de l’histoire.
Sans concessions, les deux auteurs décrivent des aspects peu reluisants de cette Amérique rurale, obtuse, violente, lourde de ses préjugés et noyée dans l’alcool de contrebande.
La musique est un autre des points communs à ces deux récits. Dans l’un comme dans l’autre, un des principaux protagonistes de l’histoire est musicien. Pianiste pour l’un, flutiste pour l’autre.

Pourtant, et c’est là la force de ces deux romans, c’est que malgré tant de points communs, ils nous emmènent pourtant dans des directions radicalement différentes. 

Tim Gautreaux, nous invite à suivre un long périple sur le Mississippi pour tenter de retrouver la trace d’une enfant kidnappée. De méandres en méandres, nous avançons lentement dans ce roman fleuve, au rythme de la roue à aubes du bateau à vapeur. Ce vieux raffiot avance cahin-caha et résonne des notes de jazz d’une troupe de musiciens dans une ambiance festive mais prête à déraper à tout moment sous l’emprise des alcools prohibés. Cette longue quête n'est pas seulement celle de l'enfant kidnappée mais aussi celle d'un homme aux multiples questionnements sur la paternité, le lien familial, la vengeance.

Ron Rash, quant à lui, nous invite à un opéra tragique au son d’une flûte enchantée. Il nous entraîne dans un vallon sombre et enclavé, où l’espoir en un avenir meilleur, comme les rayons du soleil, peinent à pénétrer. Sous sa plume trempée à l’encre noire on va découvrir la vie d’une famille qui doit affronter en plus du climat rude, le joug des préjugés et des superstitions des habitants du village. Heureusement, les notes d’une flûte d’argent et les plumes vertes des perroquets de Caroline, une espèce aujourd’hui disparue, viennent apporter quelques éclats chatoyants à ce récit, mais ce ne sont que des éclairs fugaces qui ne font que renforcer la noirceur de l’histoire.

Les deux livres sont bien écrits et ont été traduits avec talent. « Nos disparus » m’a cependant semblé parfois trop long, surtout dans la première partie du livre, même si progressivement le récit prend de l’ampleur, et finit par nous embarquer. Quand l’auteur nous parle de la musique, il nous offre quelques phrases magnifiques. J’ai cependant eu du mal à m’attacher aux personnages de ce roman.

J’ai nettement préféré « Une terre d’ombre » de Ron Rash, un livre plus court, à l’écriture plus condensée et plus âpre. Comme la terre sourd dans ce vallon d'une humidité malsaine, l'écriture de Ron Rash nous met sous tension dès les premières lignes. J’ai aimé comment la première guerre mondiale, conflit pourtant lointain, y interfère violemment avec la vie des gens du village et la belle densité des personnages principaux, mais aussi secondaires dans ce récit.
Ces deux romans sont édités aux éditions du Seuil.