vendredi 2 janvier 2015

Une terre d'ombre - Ron Rash / Nos disparus - Tim Gautreaux






Une chronique pour deux livres qui se font écho, 





















Est-ce un hasard qui m’a fait ouvrir ces deux livres l’un juste après l’autre ? Toujours est-il qu’il y a entre ces deux œuvres des points de résonance et je ne les aurais peut-être pas perçus si je ne les avais pas lus consécutivement.
Bien sûr, il y a le contexte historique que ces deux auteurs américains ont choisi comme cadre de leur récit. L’année 1918 y est charnière et la première guerre mondiale s’y intègre en filigrane.
Mais il y a aussi l’importance qu’ont dans ces récits les bateaux de croisière. Dans l’un des romans, s’il est luxueux, il n’est qu’évoqué, tandis que dans l’autre, décrépi, il n’est plus que l’illusion de sa splendeur d’antan ce qui ne l’empêche pas d’être omniprésent tout au long de l’histoire.
Sans concessions, les deux auteurs décrivent des aspects peu reluisants de cette Amérique rurale, obtuse, violente, lourde de ses préjugés et noyée dans l’alcool de contrebande.
La musique est un autre des points communs à ces deux récits. Dans l’un comme dans l’autre, un des principaux protagonistes de l’histoire est musicien. Pianiste pour l’un, flutiste pour l’autre.

Pourtant, et c’est là la force de ces deux romans, c’est que malgré tant de points communs, ils nous emmènent pourtant dans des directions radicalement différentes. 

Tim Gautreaux, nous invite à suivre un long périple sur le Mississippi pour tenter de retrouver la trace d’une enfant kidnappée. De méandres en méandres, nous avançons lentement dans ce roman fleuve, au rythme de la roue à aubes du bateau à vapeur. Ce vieux raffiot avance cahin-caha et résonne des notes de jazz d’une troupe de musiciens dans une ambiance festive mais prête à déraper à tout moment sous l’emprise des alcools prohibés. Cette longue quête n'est pas seulement celle de l'enfant kidnappée mais aussi celle d'un homme aux multiples questionnements sur la paternité, le lien familial, la vengeance.

Ron Rash, quant à lui, nous invite à un opéra tragique au son d’une flûte enchantée. Il nous entraîne dans un vallon sombre et enclavé, où l’espoir en un avenir meilleur, comme les rayons du soleil, peinent à pénétrer. Sous sa plume trempée à l’encre noire on va découvrir la vie d’une famille qui doit affronter en plus du climat rude, le joug des préjugés et des superstitions des habitants du village. Heureusement, les notes d’une flûte d’argent et les plumes vertes des perroquets de Caroline, une espèce aujourd’hui disparue, viennent apporter quelques éclats chatoyants à ce récit, mais ce ne sont que des éclairs fugaces qui ne font que renforcer la noirceur de l’histoire.

Les deux livres sont bien écrits et ont été traduits avec talent. « Nos disparus » m’a cependant semblé parfois trop long, surtout dans la première partie du livre, même si progressivement le récit prend de l’ampleur, et finit par nous embarquer. Quand l’auteur nous parle de la musique, il nous offre quelques phrases magnifiques. J’ai cependant eu du mal à m’attacher aux personnages de ce roman.

J’ai nettement préféré « Une terre d’ombre » de Ron Rash, un livre plus court, à l’écriture plus condensée et plus âpre. Comme la terre sourd dans ce vallon d'une humidité malsaine, l'écriture de Ron Rash nous met sous tension dès les premières lignes. J’ai aimé comment la première guerre mondiale, conflit pourtant lointain, y interfère violemment avec la vie des gens du village et la belle densité des personnages principaux, mais aussi secondaires dans ce récit.
Ces deux romans sont édités aux éditions du Seuil.

2 commentaires:

  1. je les avais noté tous les 2 . J'ai bien fait vu ce que tu en dis ...mais je ne sais pas quand je les lirai ...dans une autre vie peut-être ;)

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  2. Ah dommage, j'ai lu le Ron Rash, il y a tout juste un an, alors que je commence le Tim Geautreaux.
    Du coup, j'ai pas perçu ces deux textes avec la m^me sagacité que toi.
    Alors merci pour ces 2 belles chronique chère Anne.

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