dimanche 7 septembre 2014

Joe de Larry Brown aux éditions Gallmeister




Diffusée dans le cadre des chroniques littéraires de Radio Béton


JOE de Larry Brown aux éditions Gallmeister

Avertissement au lecteur : 

Avertissement au lecteur : Si vous envisagez de rentrer dans le cercle des alcooliques anonymes, il est préférable de ne pas lire ce roman. Pour tous les autres, il est à consommer sans modération ! Autant le dire tout de suite, l’alcool est omniprésent à chaque page ou presque. C’est même un des personnages principaux de ce roman. Peut-être parce qu’il fait terriblement chaud dans le Mississipi. Peut-être aussi parce que l’alcool est une bien jolie sirène lorsque les destins sont trop lourds à porter. Ce qui est sûr c’est que les principaux protagonistes engloutissent canettes sur canettes quand ils n’ont plus Bourbon et coca sous la main pour se désaltérer. Je n’ai pas vérifié avec précision, mais je suis prête à faire le pari qu’il n’est pas possible de lire plus de trois pages d’affilée sans que l’un ou l’autre des personnages s’enfile une gorgée, si possible fraîche voire glacée.

Ce livre, c’est l’histoire de Garry Jones, un môme à l’âge incertain, quinze ans peut-être, et sa famille. Ils sillonnent la faim au ventre, les routes du Mississipi sous la poigne d’un bon à rien de père, ivrogne, voleur, égoïste et violent. Garry a une sœur Fay, qui s’est enfuie. Si elle est évoquée au début du roman, nous en saurons peu car son portrait fait l’objet d’un autre roman de Larry Brown. Garry, ses parents et son autre sœur trouvent un jour une vieille cabane abandonnée depuis des années. Un taudis envahi par les guêpes et les araignées. Pas d’eau courante, ni d’électricité. Ils s’y installent. Maintenant qu’ils ont un toit, il s’agit également de trouver du boulot. Si Garry est prêt à tout type de job, son père lui est à l’affût de tous les plans susceptibles de lui fournir de la boisson. Travailler, c’est pas pour lui, mais récupérer l’argent gagné par son fils pour s’acheter une bouteille sans même s’assurer que la famille aura de quoi manger, ne lui pose aucun problème moral.

Ce roman, c’est aussi l’histoire de Joe, un homme solitaire qui ne dénombre plus depuis longtemps les bouteilles éclusées au cours d’une journée. Plutôt en froid avec la police locale, c’est pas un tendre. Il emploie des journaliers pour empoisonner des arbres inutiles afin de pouvoir ensuite replanter des espèces plus propices à l’industrie du bois.

Leurs chemins sinueux vont se croiser et, au fil des jours, et presque malgré lui, Joe va se prendre progressivement d’affection pour le jeune garçon.

Ce roman est dans la veine des « White Trash ». Autrement dit, de ces romans américains qui dépeignent la misère sociale de l’Amérique rurale, cette Amérique où les blancs sont aussi pauvres que les noirs. Dans la droite ligne d’auteurs comme Steinbeck. Comme pour les Raisins de la Colère, ce récit m’a marqué par son intemporalité. L’histoire de Joe et de Garry, si elle s’est passée hier, aurait tout aussi bien pu se passer il y a un demi-siècle. Elle pourrait également se passer aujourd’hui et le seul indice qui nous indique que ce n’est pas le cas, c’est qu’il n’y a ni téléphone portable, ni internet. Ce qui est sûr, par contre, c’est que des types comme Joe ou des mômes comme Garry, l’Amérique actuelle doit en compter encore.

L’histoire de Garry et Joe est magnifiquement portée par l’écriture de Larry Brown. Les dialogues les plus crus s’entremêlent à des descriptions empreintes de poésie. L’auteur sait nous transmettre l’ambiance lourde comme la chaleur des champs et des bois autour du Mississipi. Les personnages ont de l’épaisseur, du corps. Les lueurs d’espoir qui les portent, les animent sont fragiles et les chances de voir le destin s’éclaircir improbables. 

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