dimanche 7 septembre 2014

La fête de l'ours de Jordi Soler aux Editions 10/18

Diffusée cette semaine dans le cadre des chroniques littéraires de Radio Béton
Des poches sous les yeux

La fête de l'ours - Jordi Soler aux éditions 10/18


Qui est Oriol, si ce n’est l’oncle de l’auteur et narrateur de ce livre ? Est-il un héros blessé fuyant la guerre civile d’Espagne. Un combattant à l’article de la mort. Un homme qui fuit un hôpital bombardé et qui tente comme dernière chance de survie de franchir la barrière des Pyrénées avec l’espoir d’atteindre la France. Est-ce cet homme qui porte sur ses épaules un autre combattant grièvement blessé lui-aussi qui mourra avant d’atteindre la frontière ? Est-il mort lui-même, lors de cet acte de bravoure, dans la tempête qui cette nuit-là faisait rage sur la chaîne montagneuse. C’est en tout cas ce que laissent à penser les dernières traces d’Oriol. C’est la légende à laquelle s’attachent la plupart de ses descendants réfugiés au Mexique. Seul son frère, Arcady, est persuadé qu’Oriol est toujours vivant.

Toute la famille, cependant s’accorde à voir en lui un homme valeureux et courageux, mort trop tôt et qui aurait pu devenir un pianiste virtuose si la guerre ne s’était mêlée de contrarier ce destin et d’anéantir son avenir.

En 2007, l’auteur Jordi Soler, est en pleine conférence à Argelès-sur-Mer. Il y est venu pour parler de la guerre civile d’Espagne et de ce camp de concentration, mis en place par le gouvernement français pour y enfermer les républicains espagnols fuyant la répression franquiste. Tout près de cette plage d’Argelès sur Mer, sanglante en cette période sombre et devenue aujourd’hui un haut lieu de villégiature.

C’est là, lors de cette conférence qu’une vieille femme, une mendiante, va tendre au narrateur une photo d’Oriol datant d’après la guerre et une lettre. Impossible de continuer à croire au mythe familial. Le narrateur ne peut que se lancer dans une longue enquête pour retrouver les traces du passé, pour savoir ce qu’est réellement devenu son oncle. Dès lors, commence à se fissurer la légende.

De rencontres en rencontres, d’archives en archives, l’auteur va lentement s’enfoncer dans de sombres méandres, loin de la belle histoire qu’a forgée sa famille. Tout au long de ce livre, un peu comme dans « Coeur Cousu » de Carole Martinez, s’entremêle dans le récit des bribes de fantastique. Un géant, une fée, une sorcière, tandis qu’en parallèle l’auteur nous décline des documents d’archive froids et sans âme. On s’attache aux personnages secondaires que croise le narrateur. Leur présence, bien qu’ils soient décrits comme des personnages de contes, contrebalance l’incorporalité d’Oriol.

Je me retiens de vous dévoiler le dénouement de ce roman, car cette fin est magistrale, et elle donne une immense profondeur à l’ensemble du récit.

Ce que j’ai aimé, à la lecture de ce livre, c’est la découverte d’un pan de l’histoire trop méconnu, c’est cette quête de vérité si inconfortable alors qu’il aurait été si facile de laisser vivre le mythe. C’est également parce que l’auteur pointe du doigt ce que notre mémoire, individuelle ou collective s’efforce d’oublier. Ce sont les questionnements du narrateur tout au long de son enquête, au fur et à mesure de ses découvertes sur ce que l’on est vraiment lorsque l'on sort des circonstances de la vie « ordinaire ».



Si cela avait été nous, aurions nous été héros ou salaud ? Comment, pourquoi bascule-t-on ?  

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