Avertissement au lecteur : Si vous
envisagez de rentrer dans le cercle des alcooliques anonymes, il est
préférable de ne pas lire ce roman. Pour tous les autres, il est à
consommer sans modération ! Autant le dire tout de suite,
l’alcool est omniprésent à chaque page ou presque. C’est même
un des personnages principaux de ce roman. Peut-être parce qu’il
fait terriblement chaud dans le Mississipi. Peut-être aussi parce
que l’alcool est une bien jolie sirène lorsque les destins sont trop lourds à porter. Ce qui est sûr c’est que les principaux
protagonistes engloutissent canettes sur canettes quand ils n’ont
plus Bourbon et coca sous la main pour se désaltérer. Je n’ai
pas vérifié avec précision, mais je suis prête à faire le pari
qu’il n’est pas possible de lire plus de trois pages d’affilée
sans que l’un ou l’autre des personnages s’enfile une gorgée,
si possible fraîche voire glacée.
Ce
livre, c’est l’histoire de Garry Jones, un môme à l’âge
incertain, quinze ans peut-être, et sa famille. Ils sillonnent la
faim au ventre, les routes du Mississipi sous la poigne d’un bon à
rien de père, ivrogne, voleur, égoïste et violent. Garry a une sœur
Fay, qui s’est enfuie. Si elle est évoquée au début du roman,
nous en saurons peu car son portrait fait l’objet d’un autre
roman de Larry Brown. Garry, ses parents et son autre sœur trouvent
un jour une vieille cabane abandonnée depuis des années. Un taudis
envahi par les guêpes et les araignées. Pas d’eau courante, ni
d’électricité. Ils s’y installent. Maintenant qu’ils ont un
toit, il s’agit également de trouver du boulot. Si Garry est prêt
à tout type de job, son père lui est à l’affût de tous les
plans susceptibles de lui fournir de la boisson. Travailler, c’est
pas pour lui, mais récupérer l’argent gagné par son fils pour
s’acheter une bouteille sans même s’assurer que la famille aura
de quoi manger, ne lui pose aucun problème moral.
Ce
roman, c’est aussi l’histoire de Joe, un homme solitaire qui ne
dénombre plus depuis longtemps les bouteilles éclusées au cours
d’une journée. Plutôt en froid avec la police locale, c’est pas
un tendre. Il emploie des journaliers pour empoisonner des arbres
inutiles afin de pouvoir ensuite replanter des espèces plus propices
à l’industrie du bois.
Leurs
chemins sinueux vont se croiser et, au fil des jours, et presque
malgré lui, Joe va se prendre progressivement d’affection pour le
jeune garçon.
Ce
roman est dans la veine des « White Trash ». Autrement
dit, de ces romans américains qui dépeignent la misère sociale de
l’Amérique rurale, cette Amérique où les blancs sont aussi
pauvres que les noirs. Dans la droite ligne d’auteurs comme
Steinbeck. Comme pour les Raisins de la Colère, ce récit m’a
marqué par son intemporalité. L’histoire de Joe et de Garry, si
elle s’est passée hier, aurait tout aussi bien pu se passer il y a un
demi-siècle. Elle pourrait également se passer aujourd’hui et le
seul indice qui nous indique que ce n’est pas le cas, c’est
qu’il n’y a ni téléphone portable, ni internet. Ce qui est sûr,
par contre, c’est que des types comme Joe ou des mômes comme
Garry, l’Amérique actuelle doit en compter encore.
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