Les âmes troubles,
premier roman d’Olivier Taveau a été récompensé par le prix du
premier roman du festival de Beaune. A juste titre...
L’histoire est
d’abord et avant tout autre chose une histoire policière qui
tourne autour des crimes commis par un Serial Killer et des moyens de
plus en plus lourds que la brigade de police chargée d’enquêter
sur cette sordide affaire met en œuvre pour l’identifier et
l’arrêter. Comme attendu en pareil cas, l’histoire se décline
dans le registre de la recherche d’indices et de la traque. Le
lecteur au fil des pages est emmené d’un crime à l’autre et
dresse, lui aussi, la liste des suspects potentiels.
L’écriture
d’Olivier Taveau est fluide, efficace et très vite, j’ai été
embarquée par le rythme soutenu de l’histoire qui ne nous ménage
pas en terme de rebondissements. J’étais à peine à la moitié du
livre quand je me suis demandée, mais forcément c’est la fin,
comment l’auteur va-t-il nous entrainer sur presque cent pages de
plus ? Il fallait lui faire confiance, l’histoire ne s’est
pas essoufflée, et nous a amené de territoires carbonisés aux
espaces sauvages les plus glacés du Québec.
Mais je crois que ce
qui m’a le plus marquée dans cette histoire c’est qu’elle
s’enrichit d’une autre, plus métaphysique qui vient s’entremêler
à la première. Très vite on se demande qui sont Loah, Virgile ou
Paltine ? Quels rôles vont-ils jouer dans cette histoire ?
Leur présence nous trouble, et fait que ce roman oscille entre
réalisme et surnaturel. J’ai parfois pensé au fil des pages au
réalisme magique. Souvent derrière cette appellation on pense à Gabriel García
Márquez, mais on pourrait aussi évoquer d'autres auteurs de Marcel Aymé à Franz Kafka. Bref dans un monde tout ce qu'il y a de plus réaliste, de plus cru, l'onirique et le surnaturel viennent apporter une autre dimension. Cela fonctionne
à merveille, et ce parti pris apporte une belle densité au roman. Il permet à l’auteur sans qu'on quitte pour autant le registre du roman policier, d'ouvrir d'autres portes. Grace à ces personnages, loin d’être anecdotiques, se
joue au cœur même de l’enquête, une autre histoire. Une quête
de sens, une réflexion sur le divin, distinct très clairement dans
ce roman des dogmes religieux. Par ce jeu de tissage entre ces deux
niveaux du récit, l’auteur nous amène l'air de rien vers de réflexions
plus larges sur le pouvoir et l’impuissance, même des plus grands,
face à ce qui les dépasse. Impuissance d’un homme face à son
destin, impuissance des forces de police, malgré leur nombre et leur
détermination face à un tueur fou et insaisissable, impuissance de
la science à comprendre les maladies mentales et jusqu’aux forces
surnaturelles impuissantes à changer le cours du destin. Au travers
de cette histoire, l’auteur évoque également la solitude et le
devoir souvent trop lourd que la vie nous amène à porter.
C'est d'abord et avant tout un roman policier qu'on dévore, mais c'est aussi un peu plus que cela.
C'est d'abord et avant tout un roman policier qu'on dévore, mais c'est aussi un peu plus que cela.