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mercredi 8 avril 2015

Sara La Noire - Gianni Pirozzi

Sara la noire – Gianni Pirozzi – Edition Rivage /Noir


Ce roman, ce sont des personnages qui se télescopent. Ça se passe à Paris et en Camargue aussi. Ça se passe en hiver et si les rues sont froides, l’ambiance, elle, monte rapidement en température pour devenir vite explosive.

C’est l’histoire de Guillermo, un flic, moitié gitan obsédé par une affaire non résolue de plus de sept ans. Celle de la disparition de deux jeunes gitanes, l’une retrouvée morte, l’autre toujours portée disparue. Il s’est solennellement engagé auprès de la famille à retrouver la trace de cette dernière et c’est une promesse qu’il ne prend pas à la légère. Mais Guillermo, c’est aussi un flic brutal qui trempe dans des trafics de drogue et de prostitution.
C’est aussi l’histoire de Djibril, encore mineur, qui vient de se tirer d’un centre éducatif renforcé. A la rue, il se débrouille comme il peut quand soudain, tout pourrait changer pour lui. Il pourrait toucher le jackpot quand il se retrouve embarqué dans un règlement de compte avec en ligne de mire la peau de Guillermo.

Lui, Guillermo, c’est Hafzia qu’il a dans la peau. Cette jeune femme s’est retrouvée entre ses mains lorsqu’elle a fui son mari trop violent. C’est son autre obsession, à Guillermo, cette femme. Est-ce pour ne pas risquer de la perdre qu’il l’a faite tomber dans la drogue et la prostitution ?

Ce qui est sûr c’est qu’il dépasse la ligne rouge, Guillermo. A force d’être écartelé entre deux mondes, tout va finir par basculer et ça ne va pas se faire sans casse...

Ce livre, c’est aussi une écriture. Sèche. Sans fioritures. Des phrases courtes, des dialogues vifs. Gianni Pirozzi nous emmène droit à l’essentiel. On ressent peu d’empathie pour les personnages, mais c’est parce que rien n’est fait pour nous y inviter. Quelques sauts en arrière, surtout en début de récit, viennent éclairer le lecteur. Personnellement j’ai peu apprécié ces « flash-back » que j’ai trouvé un peu juxtaposés au récit principal, néanmoins j’ai pris plaisir à suivre les protagonistes de ce drame jusqu’à la chute finale.


L’une des particularités de ce roman, c’est que l’auteur s’est inspiré d’une nouvelle de Marc Villard « Entrée du diable à Barbès-Ville » également édité chez Rivage en 2008. Cette nouvelle, il se l’est appropriée, il l’a retravaillée pour y mettre sa patte et en faire ce roman : Sara la Noire. Un livre de Gianni Pirozzi édité chez Rivage Noir.

samedi 8 novembre 2014

La comptine des coupables - Carin Gerhardsen - Editions 10/18

Une chronique que vous pouvez écouter sur le site de l'émission 

Si vous êtes fan absolu des polars à la suédoise, alors ce livre-ci va sûrement vous plaire et il viendra compléter votre collection. Mais peut-être parce que je préfère le soleil, en tout cas, moi, je n’ai pas été franchement emballée par ce bouquin. L’intrigue en elle-même est bien ficelée. Cela dit, c’est je crois le minimum pour un polar dès lors qu’il s’agit de retrouver un coupable. Pour ceux pour qui pensent qu’un bon polar c’est avant tout la qualité d’une intrigue alors ce livre devrait satisfaire leur souhait en rebondissements inattendus. Pour ceux qui attendent davantage d’un roman, notamment quant à ses qualités littéraires, alors c’est pas gagné.

Tout commence par la découverte d’une femme et de ses deux enfants égorgés dans le lit de leur mère. Aucun indice, mais une multitude de questions qui émergent. Comment cette femme de ménage peut-elle habiter une maison si luxueuse ? Pourquoi le père des enfants semble-t-il si peu touché par ce drame ?Une équipe de policiers se charge de résoudre cette enquête qui va les emmener dans des méandres complexes.

Ce qui apporte un plus à ce livre c’est qu’il ne traite pas que de l’enquête mais également du poids de la culpabilité que chacun peut être amené à porter et du poids des secrets. Ceux qui entourent cette affaire, mais également ceux de plusieurs des policiers chargés de l’enquête. Cependant, j’ai trouvé maladroit que ces policiers, en plus de leurs recherches sur ce meurtre mènent parallèlement des enquêtes personnelles qui interfèrent plus ou moins avec le récit principal. J’ai eu l’impression que les flics étaient davantage préoccupés par leurs problèmes personnels que par l’horreur de ce triple meurtre et leur rapport à la loi m’a parfois semblé bien ambigue. Ainsi, le fait qu’une femme policier qui a été violée après avoir été droguée ne porte pas plainte contre l’un de ceux qu’elle pense être coupable de ce viol, alors qu’elle est pourtant persuadée qu’il s’agit d’un de ses équipiers m’a dérangée à la lecture de ce livre.

Concernant l’écriture elle-même, c’est de l’écriture à minima. Une succession de faits alignés en narration extérieure à coup de phrases lapidaires, quelques dialogues. De la narration extérieure encore pour nous rendre compte des pensées intérieures des différents personnages ce qui, je crois, limite l’empathie qu’on pourrait ressentir pour eux. Pas de poésie, de rythme, de mélodie dans les phrases. Des paragraphes qui passent d’un personnage à un autre de façon abrupte. Une écriture essentiellement au présent mais qui ne suffit pas à donner de la vie au récit. Ce qui est sûr c’est que ce n’est pas pour le style que vous serez marqué par ce livre.


Il semble que ce livre fasse suite à deux autres et qu’on suive d’un tome à l’autre les histoires qui lient cette équipe de policiers. Possible que cela nous permette de nous attacher davantage aux personnages et que cela donne au roman une autre densité. N’ayant pas lu les précédents, je ne peux en juger. Je vous laisse le soin de faire votre propre opinion.

dimanche 7 septembre 2014

Joe de Larry Brown aux éditions Gallmeister




Diffusée dans le cadre des chroniques littéraires de Radio Béton


JOE de Larry Brown aux éditions Gallmeister

Avertissement au lecteur : 

Avertissement au lecteur : Si vous envisagez de rentrer dans le cercle des alcooliques anonymes, il est préférable de ne pas lire ce roman. Pour tous les autres, il est à consommer sans modération ! Autant le dire tout de suite, l’alcool est omniprésent à chaque page ou presque. C’est même un des personnages principaux de ce roman. Peut-être parce qu’il fait terriblement chaud dans le Mississipi. Peut-être aussi parce que l’alcool est une bien jolie sirène lorsque les destins sont trop lourds à porter. Ce qui est sûr c’est que les principaux protagonistes engloutissent canettes sur canettes quand ils n’ont plus Bourbon et coca sous la main pour se désaltérer. Je n’ai pas vérifié avec précision, mais je suis prête à faire le pari qu’il n’est pas possible de lire plus de trois pages d’affilée sans que l’un ou l’autre des personnages s’enfile une gorgée, si possible fraîche voire glacée.

Ce livre, c’est l’histoire de Garry Jones, un môme à l’âge incertain, quinze ans peut-être, et sa famille. Ils sillonnent la faim au ventre, les routes du Mississipi sous la poigne d’un bon à rien de père, ivrogne, voleur, égoïste et violent. Garry a une sœur Fay, qui s’est enfuie. Si elle est évoquée au début du roman, nous en saurons peu car son portrait fait l’objet d’un autre roman de Larry Brown. Garry, ses parents et son autre sœur trouvent un jour une vieille cabane abandonnée depuis des années. Un taudis envahi par les guêpes et les araignées. Pas d’eau courante, ni d’électricité. Ils s’y installent. Maintenant qu’ils ont un toit, il s’agit également de trouver du boulot. Si Garry est prêt à tout type de job, son père lui est à l’affût de tous les plans susceptibles de lui fournir de la boisson. Travailler, c’est pas pour lui, mais récupérer l’argent gagné par son fils pour s’acheter une bouteille sans même s’assurer que la famille aura de quoi manger, ne lui pose aucun problème moral.

Ce roman, c’est aussi l’histoire de Joe, un homme solitaire qui ne dénombre plus depuis longtemps les bouteilles éclusées au cours d’une journée. Plutôt en froid avec la police locale, c’est pas un tendre. Il emploie des journaliers pour empoisonner des arbres inutiles afin de pouvoir ensuite replanter des espèces plus propices à l’industrie du bois.

Leurs chemins sinueux vont se croiser et, au fil des jours, et presque malgré lui, Joe va se prendre progressivement d’affection pour le jeune garçon.

Ce roman est dans la veine des « White Trash ». Autrement dit, de ces romans américains qui dépeignent la misère sociale de l’Amérique rurale, cette Amérique où les blancs sont aussi pauvres que les noirs. Dans la droite ligne d’auteurs comme Steinbeck. Comme pour les Raisins de la Colère, ce récit m’a marqué par son intemporalité. L’histoire de Joe et de Garry, si elle s’est passée hier, aurait tout aussi bien pu se passer il y a un demi-siècle. Elle pourrait également se passer aujourd’hui et le seul indice qui nous indique que ce n’est pas le cas, c’est qu’il n’y a ni téléphone portable, ni internet. Ce qui est sûr, par contre, c’est que des types comme Joe ou des mômes comme Garry, l’Amérique actuelle doit en compter encore.

L’histoire de Garry et Joe est magnifiquement portée par l’écriture de Larry Brown. Les dialogues les plus crus s’entremêlent à des descriptions empreintes de poésie. L’auteur sait nous transmettre l’ambiance lourde comme la chaleur des champs et des bois autour du Mississipi. Les personnages ont de l’épaisseur, du corps. Les lueurs d’espoir qui les portent, les animent sont fragiles et les chances de voir le destin s’éclaircir improbables. 

La fête de l'ours de Jordi Soler aux Editions 10/18

Diffusée cette semaine dans le cadre des chroniques littéraires de Radio Béton
Des poches sous les yeux

La fête de l'ours - Jordi Soler aux éditions 10/18


Qui est Oriol, si ce n’est l’oncle de l’auteur et narrateur de ce livre ? Est-il un héros blessé fuyant la guerre civile d’Espagne. Un combattant à l’article de la mort. Un homme qui fuit un hôpital bombardé et qui tente comme dernière chance de survie de franchir la barrière des Pyrénées avec l’espoir d’atteindre la France. Est-ce cet homme qui porte sur ses épaules un autre combattant grièvement blessé lui-aussi qui mourra avant d’atteindre la frontière ? Est-il mort lui-même, lors de cet acte de bravoure, dans la tempête qui cette nuit-là faisait rage sur la chaîne montagneuse. C’est en tout cas ce que laissent à penser les dernières traces d’Oriol. C’est la légende à laquelle s’attachent la plupart de ses descendants réfugiés au Mexique. Seul son frère, Arcady, est persuadé qu’Oriol est toujours vivant.

Toute la famille, cependant s’accorde à voir en lui un homme valeureux et courageux, mort trop tôt et qui aurait pu devenir un pianiste virtuose si la guerre ne s’était mêlée de contrarier ce destin et d’anéantir son avenir.

En 2007, l’auteur Jordi Soler, est en pleine conférence à Argelès-sur-Mer. Il y est venu pour parler de la guerre civile d’Espagne et de ce camp de concentration, mis en place par le gouvernement français pour y enfermer les républicains espagnols fuyant la répression franquiste. Tout près de cette plage d’Argelès sur Mer, sanglante en cette période sombre et devenue aujourd’hui un haut lieu de villégiature.

C’est là, lors de cette conférence qu’une vieille femme, une mendiante, va tendre au narrateur une photo d’Oriol datant d’après la guerre et une lettre. Impossible de continuer à croire au mythe familial. Le narrateur ne peut que se lancer dans une longue enquête pour retrouver les traces du passé, pour savoir ce qu’est réellement devenu son oncle. Dès lors, commence à se fissurer la légende.

De rencontres en rencontres, d’archives en archives, l’auteur va lentement s’enfoncer dans de sombres méandres, loin de la belle histoire qu’a forgée sa famille. Tout au long de ce livre, un peu comme dans « Coeur Cousu » de Carole Martinez, s’entremêle dans le récit des bribes de fantastique. Un géant, une fée, une sorcière, tandis qu’en parallèle l’auteur nous décline des documents d’archive froids et sans âme. On s’attache aux personnages secondaires que croise le narrateur. Leur présence, bien qu’ils soient décrits comme des personnages de contes, contrebalance l’incorporalité d’Oriol.

Je me retiens de vous dévoiler le dénouement de ce roman, car cette fin est magistrale, et elle donne une immense profondeur à l’ensemble du récit.

Ce que j’ai aimé, à la lecture de ce livre, c’est la découverte d’un pan de l’histoire trop méconnu, c’est cette quête de vérité si inconfortable alors qu’il aurait été si facile de laisser vivre le mythe. C’est également parce que l’auteur pointe du doigt ce que notre mémoire, individuelle ou collective s’efforce d’oublier. Ce sont les questionnements du narrateur tout au long de son enquête, au fur et à mesure de ses découvertes sur ce que l’on est vraiment lorsque l'on sort des circonstances de la vie « ordinaire ».



Si cela avait été nous, aurions nous été héros ou salaud ? Comment, pourquoi bascule-t-on ?  

lundi 7 juillet 2014

Libellules - Joel Egloff

Deuxième chronique Radiophonique
que vous pouvez écouter ici  : http://www.despochessouslesyeux
ou bien lire, ci dessous ... 

Après avoir lu plusieurs bouquins assez sombres, voire très noirs, j’avais envie de lire tout autre chose. Un livre plus léger, un truc qui n’élève pas anormalement mon taux d’adrénaline. J’ai donc été attirée par le titre de celui de Joël Egloff « Libellules ».

Autant le dire tout de suite, si vous chercher à lire une histoire trépidante avec un macchabée toutes les trois pages, un livre avec un suspens qui vous tenaille de la première à la dernière ligne, il vaut mieux que vous passiez votre chemin et que vous vous inspiriez d’une autre chronique « des poches sous les yeux » comme par exemple celle sur Mapuche de Caryl Férey chroniquée par Jimmy.

Avec Libellules, on est sur un tout autre registre. Ce n’est pas un roman, ni même un recueil de nouvelles. Joël Egloff nous offre plutôt vingt-cinq histoires, chroniques, moments de vie, comme autant de bulles de savon qui s’envolent au fil des pages.

Certaines sont légères comme un souffle d’air printanier quand d’autres vous éclatent à la figure. Je pense en particulier à l’une de mes favorites « Conte de Noël » qui laisse un sillage amer et tenace même plusieurs jours après la lecture.

Toutes ces histoires, et c’est là le talent de l’écrivain, sont comme autant d’instantanés de ces petits moments ordinaires qui émaillent notre quotidien. Tous ces moments auxquels, généralement, nous ne portons pas attention : une femme qui secoue son linge, une lettre inaccessible, une offre d’emploi, ou l’horloge du clocher de l’église d’un petit village qui soudain disparaît.

Joël Egloff croque ces moments ordinaires avec délectation. Il porte sur eux un regard étonné, décalé qui les transforment chacun en un petit tableau coloré et font de ce livre une mosaïque multicolore.

Là, où nous ne trouverions rien à raconter. Sur ces scènes que nous voyons sans les regarder, son regard à lui s’accroche et par la magie des mots, il nous embarque sur des sentiers que nous n’avions pas remarqués. Chemins poétiques, parfois doux, parfois amers, souvent contés avec dérision, il nous invite à partager ces moments, ces instants éphémères qui nous paraissent ordinaires et qui pourtant ne le sont peut-être pas.

Ces histoires, souvent très courtes, qui ne dépassent pas pour la plupart trois à quatre pages, sont comme autant de bulles d’oxygène que l’on peut lire à tout moment et qui viennent nous distraire de notre quotidien, en portant sur ce dernier un regard neuf. Le livre refermé, on se surprend à se demander ce que Joël Egloff pourrait nous écrire au sujet de cette vieille dame qui, telle un lézard, semble se réchauffer au soleil sur ce banc public au milieu du square. Ou les angoisses soudaines lorsqu’on découvre un courrier portant la Marianne en effigie et émanant des services de la préfecture. Un impayé, une amende peut-être ? Ou encore sur les élucubrations métaphysiques de cet enfant au cartable brinquebalant qui observe, accroupi, un brin d’herbe avec attention.

Ce livre ouvre notre regard, il nous invite à rêver, à nous émerveiller, à nous interroger sur les petits riens du quotidien. C’est Libellules de Joël Egloff et c’est aux éditions Folio - Gallimard pour à peine plus de cinq euros.


mardi 1 juillet 2014

Le seigneur des porcheries - Tristan Eglof

Parce que depuis peu je propose quelques chroniques littéraires enregistrées pour une radio locale indépendante tourangelle Radio Béton dans le cadre de l'émission "Des poches sous les yeux"


Voici le lien vers ma première chronique version audio :
 Le seigneur des porcheries - Tristan Egolf 



et ci-dessous, la version texte : 

Peut-être par peur de ne pas tenir les trois minutes nécessaires (non, pas celles de M. Cyclopède) mais celle « des poches sous les yeux » j'ai choisi du lourd, un sacré pavé de quelques six cents pages pour ma première chronique. J'essaierai d'être à la hauteur, ou plutôt de faire le poids, car ce bouquin, pour moi, c'est un véritable chef-d’œuvre.

Bon, vous me direz que pour le moment vous n'avez toujours aucune idée du bouquin en question. Il s'agirait donc, peut-être, de commencer par le commencement et donner le titre de l’œuvre voire, éventuellement, l'auteur de cette petite merveille...

Le roman que j'ai envie de vous faire découvrir, c'est :
Le seigneur des porcheries de Tristan Egolf.
Il est édité aux éditions Folio, chez Gallimard, et vous pouvez le trouver pour moins de neuf euros.

Ce livre et la destinée de l'auteur ne sont pas sans rappeler « La conjuration des imbéciles » de John Kennedy Toole, qui a déjà été chroniqué dans « des poches sous les yeux » et que vous pouvez retrouver sur le site internet de l'émission. Les deux écrivains ont eu beaucoup de mal à faire éditer leur œuvre. Ainsi, avant d'être découvert par la fille de Patrick Modiano et présenté aux éditions Gallimard, ce manuscrit avait essuyé plus de soixante dix refus de maisons d'éditions américaines. Les deux livres ont également comme point commun de décrire avec une vivacité de ton et de style, la chronique de vie d'un anti-héros hors du commun.

Sur un peu plus de six cent pages, les mots déferlent. Tristan Egolf nous dépeint d'un écriture acide, cynique, drôle, acérée, une fresque de l'Amérique profonde. On suit sans reprendre notre souffle, les péripéties de John Kaltenbrunner. Au travers de cette chronique de la vie, véritable épopée,Tristan Egolf nous livre une étude des mœurs cruelle et jubilatoire de la petite bourgade de Baker et de ses habitants. Les descriptions, souvent caricaturales, sont écrites dans un style flamboyant, pleines de bruit et de fureur.

Je ne résiste pas à l'envie de vous en proposer deux extraits qu'il m'a bien été difficile de sélectionner tant il y en a d'autres tout aussi truculents :

Si un individu parmi cinquante devait se faire chier dessus par un vol de mouettes, ce serait John, à chaque fois, sans exception. Personne n’avait un don pareil pour se trouver là où il ne fallait pas.

Quant à Baker et ses habitants :

La majorité des élèves quittait Holborn High en croyant dur comme fer que les dinosaures avaient disparu parce que Noé n'avait pas assez de place pour eux sur l'arche. Il allait de soi que toute exception à la norme, quelle qu'elle fût suscitait l'hostilité immédiate de cet environnement. Tout individu qui ne s'engageait pas bovinement dans l'une des deux voies possibles - l'école de commerce ou les usines du coin - pouvait être considéré comme condamné d'entrée de jeu à des années de rejet impitoyable.

Depuis son plus jeune âge, donc, et jusqu'à la mort tragique, forcément tragique, de John, nous allons être entraînés dans les bas-fonds de cette petite ville et comme notre anti-héros, assister à deux inondations, quatorze bagarres, trois incendies criminels, une émeute , une tornade dévastatrice, l'invasion de méthodistes déchaînés, la révolte des torche-colline, et découvrir comment un match de basket se transforme en cataclysme.

Tout au long de ces six cents pages, nous allons subir avec John un déferlement sans bornes de haine et de violence verbale, morale et physique, de la part de cette population ignare, jusqu'à ce qu'il finisse par se venger de la communauté qui l'a mis en butte. Sa vengeance sera un incroyable feu d'artifice, un chaos jubilatoire.

Pour oublier l'ennui et la météo maussade qui nous colle aux baskets ces derniers mois, je vous invite donc à découvrir la plume caustique, décapante, mordante, de Tristan Egolf.

« Le seigneur des porcheries » est édité en livre de poche chez Folio Gallimard pour moins de 9 euros.